Au départ, tout est comme d'habitude, les élèves vaquent à leurs occupations, les parents sont fidèles à leurs habitudes, le photographe exerce son activité. Il s'ensuit alors de longs plans-séquences suivant certains de ces élèves. Après avoir visionné leur quotidien, les deux tireurs fous arrivent au lycée et font un véritable carnage. Le titre, s'il n'est pas évident à comprendre, est en réalité une référence -habile ou non- à l'essai cinématographique d'Alan Clarke, du même nom, où un groupe d'aveugle examinait un élépahnt, chacun donnant sa version. L'évènement central s'est réellement déroulé en 1999. Sauf que dans la réalité seuls 13 élèves sont tués. En outre, Michael Moore en avait déjà donné sa version des faits en expliquant que la proximité d'une usine d'arme n'était pas anodine dans cette affaire. Ici, rien de tout ça, Gus Van Sant se veut faire une approche plus poétique de la chose et donne tacitement sa vision de la cause de cette violence qui, dans ce film, semble parfaitement préméditée. L'absence des parents, des jeux vidéos agressifs, l'homosexualité refoulée, la vente libre des armes... Cependant ce film ne se résume pas à des meurtres pléthoriques. Il s'agit avant tout de capturer des êtres dans une période difficile de leurs vies. L'empathie du réalisateur va clairement pour les victimes, on peut le déceler grâce au montage parallèle à leurs actions: alors que les deux adolescents armés semblent rejetés dans une bulle hors du temps, les autres s'entrecroisent, exercent leurs passions. Le film est de surcroît parsemé de belles métaphores comme celle des éléctrons proches du noyau solidaire, véritable coup de maître. Le dénouement est parfaitement travaillé avec un retour au plan (magnifique) du début mais, cette fois ci, le ciel est vide. Fidèle à sa veine expérimentale, Gus Van Sant déconstruit son récit pour donner un résultat beau, expliqué, attachant et véritablement personnel.