[Vu en VO.]
Elephant est un chef d'oeuvre basé sur un fait divers. Presque un documentaire. Gus Van Sant, réalisateur renommé, a tout à fait comprit de quelle sorte de film il s'agit ici. Il montre juste ce qu'il se passe dans le monde, telle les nouvelles du soir. Il montre. Il n'explique rien, il montre. Nous ne sommes que des témoins. Des témoins extérieurs. En effet, Elephant a sur le spectateur l'effet que produit un fait divers vu à la télévision ou dans les journaux. Aucune émotion car aucun attachement aux personnages. C'est voulu. On voit ces adolescents comme n'importe quel autre adolescent, sans identité particulière, sans essayer de comprendre leurs actes. On peux s'identifier à eux, ou voir ce garçon que l'on croise tout les jours sans lui prêter attention... En revanche, le film choque comme un fait divers peut choquer. On en ressors secoué, préoccupé et dérangé. En cela, le film et la volonté du réalisateur sont de véritables réussites.
Malgré cette volonté de montrer un fait divers, le film n'en reste pas moins artistique. Le premier plan du film, sur lequel défile le générique, est bluffant. Une véritable métaphore sur le déroulement et le dénouement du film. D'ailleurs, le film n'en manque pas de métaphores (L'idée du compte à rebours revenant à plusieurs reprises, le taureau sur le T-Shirt jaune de John, la croix blanche dans le dos du polo rouge, évoquant un viseur d'arme à feu, les passages de l'extérieur clair aux couloirs sombres du lycée, les métaphores du noir à la lumière dans le labo-photo...) Avant l'horreur finale, le film nage dans une certaine poésie, presque agréable, mené comme un voyage grâce à de magnifiques plans-séquences. Le plan final du film s'impose avec fierté et élégance, comme pour faire réfléchir sur ce qui vient de se passer, laisser derrière lui le fantôme inoubliable du carnage, laisser une dernière aura de désespoir.
La structure narrative donne encore plus d'intérêt à Elephant, grâce à ses ellipses et ses différents points de vue d'une même scène. Le tout est presque littéraire.
Les personnages portent les prénoms des acteurs, non professionnels au passage, ce qui contribue encore plus au réalisme indéniable qui se dégage de l'ambiance générale, elle, inoubliable.
Elephant est un chef-d'oeuvre culte qui fait, sept ans après, toujours réfléchir.