Lorsque tout le monde connaît l'histoire que l'on veut raconter, on a intérêt à travailler la narration. Billy Wilder l'a bien compris et transforme son histoire de triangle amoureux basique en une comédie efficace. Sabrina aborde sa romance sur le ton du conte de fées : Audrey Hepburn peut être vue comme une sorte de Cendrillon, désespérément amoureuse d'un prince (David, interprété par William Holden) qui ne fait pas attention à elle. Pourtant, elle arrivera à lui faire tourner la tête pendant un bal, au grand dam de Linus, le frère de David incarné par Humphrey Bogart, qui voit cette relation d'un très mauvais œil. Mais soyez rassurés, ce côté merveilleux ne vient pas rajouter une couche de niaiserie supplémentaire, puisque le film ne se prend pas du tout au sérieux. Cela se voit principalement à travers les personnages, qui seront tous victimes d'une situation ou d'une réaction ridicule à un moment ou un autre. Ainsi, le beau prince se révélera être un bellâtre de la pire espèce et sera tourné en dérision, tandis que la jeune femme, censée revenir plus adulte de son voyage à Paris, continue d'agir comme une enfant. Le film pousse encore plus loin ses moqueries en proposant des scènes en miroir, qui font écho l'une à l'autre (le verre de champagne et le bocal d'olive, par exemple). En dehors de cela, la progression de l'histoire reste assez convenue, mais cela n'empêche pas l’œuvre d'avoir quelques fulgurance, notamment la danse joue contre joue de Sabrina et David, ainsi que le premier baiser entre Linus et la jeune femme. Ces deux scènes, pourtant bien différentes, témoignent de la même douceur incroyable. En revanche je suis assez déçu de la mise en scène, qui est assez académique malgré quelques plans inspirés (et Wilder a le culot de s'autociter, ce qui ne passe pas trop). Le réalisateur a réussi à se dépêtrer des clichés en racontant son histoire avec un ton décomplexé. C'est plutôt rigolo dans l'ensemble, et le passage où Sabrina chante la Vie en Rose vaut vraiment le coup d’œil.