En 1950, celui qui allait devenir l’un des plus célèbres et talentueux réalisateur italiens nous offrait un premier film, co-réalisé avec Alberto Lattuada, « Les Feux du Music-Hall », film narrant l’histoire d’une troupe d’artiste banale, sans grand succès et endettée, dont l’arrivée d’une jeune et jolie nouvelle recrue va totalement bouleverser leurs habitudes, leur fonctionnement, leur destin. Parce qu’ils ne connaissent dès lors le succès que grâce à la beauté de la jeune femme, que le public ne cesse de réclamer pour cette seule et unique raison. Dès lors de nombreuses questions vont se poser et de nombreux conflits vont naître au sein de la troupe, aussi bien d’un point de vue artistique que dans leurs relations.
Cette première réalisation de Fellini est un film assez dur à qualifier. S’il est agréable à regarder, le ressenti que l’on a à la fin du métrage est assez paradoxal. On se dit que ça aurait pu être un peu mieux, mais on n’est pas particulièrement déçu. De même, on lui découvre d’excellentes qualités, mais pourtant elles ne nous emballent pas forcément plus que cela.
Dans les points forts, on se souviendra d’acteurs très bons, en particulier ceux du triangle amoureux du film, Peppino de Filippo, Carla Del Poggio et surtoût Giulietta Masina (malheureusement trop rare dans le film), de bonnes idées de mise en scène, notamment dans la scène finale avec le parallèle entre les trains, et un film assez bien rythmé. On ne s’ennuie pas, malgré l’existence de quelques longueurs de temps à autre.
En revanche, il y a certains détails où ça laisse à désirer. Si ce n’est pas spécialement gênant sur le coup, on se rend cependant compte au final que le film met un peu trop de temps à démarrer. Du moins, quand on l’a terminé, on se rend compte que la première partie du film dure trop longtemps pour ce que qu’elle raconte et apporte au film.
Il y a au milieu du film une grosse ellipse narrative, qui, si elle évite de « perdre du temps » en mettant en scène des évènements logiques et hautement prévisibles, se révèle au final lui être bien nuisible.
Les personnages subissent une évolution trop abrupte et trop forte pour sembler pleinement logique (notamment Lily qui devient l’exact opposé de ce qu’elle était en l’espace d’une transition de scène – On passe d’un personnage naïf et vertueux à une garce capricieuse et manipulatrice et prête à tout pour réussir). Et plus le film avance, plus se problème devient présent.
Toujours à cause d’elle, on a aussi l’impression que l’intrigue du film s’égare un peu on ne sait trop où dans sa deuxième moitié. On ne comprend pas pleinement les enjeux de cette dernière, et cela minimise beaucoup l’impact qu’aurait pu avoir les scènes finales si les enjeux de l’histoire avaient été plus explicités.
Et cela aboutit justement à une fin ratée, en opposition avec le ton pris dans tout le reste du film, qui détruit les enjeux de l’intrigue, crée des situations illogiques dans les évolutions des personnages et celle du scénario, ... Combinée à l’ellipse, elle empêche le film d’aller au bout certaines de ses idées, et les thèmes abordés, pourtant très intéressants, ne sont pour la plupart que partiellement traités, ou effleurés sans plus d’approfondissement.
Enfin, un dernier point assez particulier est le fait que le film commence de manière typiquement néo-réaliste sur tous les plans pour se terminer de manière de manière théâtrale à presque tous les niveaux. On voit bien que Fellini se borne à rester dans le néoréalisme (surement l’influence d’Alberto Lattuada), tout en voulant faire son style à lui, en se servant de grandes figures caricaturales afin de mieux critiquer et mettre en valeur l’objet traité. Et si ce n’est au final pas plus gênant que cela vu que le film est maitrisé sur ces deux modes de narration, qui sont du coup bien séparés par l’ellipse, et que cela donne un intérêt supplémentaire au film, qui met ainsi en opposition deux styles opposés, il n’empêche que ça ne l’aide clairement pas davantage au niveau de la crédibilité de son récit.
« Les Feux du Music-Hall » n’est clairement pas pour moi un grand film, que cela soit d’un point de vue général, en tant que film du courant néoréaliste (dans lequel il revendique clairement sa place, malgré le changement de narration qui survient au milieu du film), que du point de vue de la carrière de Fellini. On sent bien là que c’est une première œuvre pour le réalisateur italien, et qu’elle est qualitativement bien loin de ses plus grands films. Toutefois, il reste un film assez intéressant et qui n’est pas déplaisant à regarder.
Ma Note : 12,5/20