Des 3 films de Michael Moore que j'ai vus ("The Big One", "Bowling For Columbine" et "Fahrenheit 9/11"), ce dernier est celui que je trouve le moins réussi. Sa palme d'Or à Cannes ne me fera pas changer d'avis. En effet, je trouve que Michael Moore s'est ici éloigné de son style caractéristique de la provocation par lequel il arrivait si facilement à faire rire par l'absurde. "Fahrenheit 9/11" est davantage un catalogue de la présidence Bush qu'un film bien construit et articulé comme les précédents. Et pourtant, c'est aussi une charge, un film-campagne pour ne pas réélire George W. Bush à la présidence en Novembre. Dans ce fameux style qui lui est propre, Michael Moore n'échappe pas, par moments, à un brin de démagogie et un côté caricatural et simplificateur. Il n'a pas la rigueur journalistique d'un historien-documentariste et use d'effets faciles dont le seul but est de ridiculiser le président Bush. En ce sens, les images associées aux pays de la Coalition font beaucoup rire mais perdent la force de la vérité historique. En effet, à côté des USA et de pays présentés comme "exotiques", il y a aussi de grandes nations comme l'Australie, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Espagne, la Corée du Sud ou le Japon que l'on passe sous silence. Pourtant, les motivations de ces pays à accompagner les USA ou la façon dont les américains les ont convaincu auraient été des arguments bien plus intéressants à écouter. A défaut d'être rigoureux dans la présentation des faits historiques, "Fahrenheit 9/11" manipule la corde sensible de chacun d'entre nous en jouant sur une large palette de sentiments et d'émotions. C'est d'ailleurs l'une des grandes réussites du film : des témoignages de militants pacifistes adeptes des cookies aux victimes du Patriot Act en passant par les témoignages de victimes irakiennes ou des familles de soldats disparus, des soldats eux-mêmes déçus à leur retour de la guerre ou des images de la population Irakienne heureuse avant le début de l'invasion américaine. Par ailleurs, les idées fortes du film - celles qui font réfléchir en profondeur sur les événements - sont le lobby Saoudien et la politique de recrutement de l'armée dans les classes les plus pauvres de la population où l'incorporation est la seule alternative à ces jeunes chômeurs pour gagner de l'argent et sortir de la misère. Moi qui suis un anti-Bush de la première heure et qui suis relativement documenté et objectif envers ce pays, je n'ai pas appris grand chose que je ne savais déjà. En effet, toutes les "révélations" du film de Michael Moore ont déjà été portées à ma connaissance par des articles dans la presse écrite (le journal "Le Monde" en particulier), par des reportages-photos sur les blessés américains que j'avais vus dans des magazines, les documentaires télé d'investigation (sur Canal ) et le documentaire de William Karel "Le Monde Selon Bush" sorti il y a deux semaines au Cinéma. D'où mon impression de catalogue pour le film de Michael Moore qui liste beaucoup d'événements mais qui manque souvent de développements. Ce film me semble davantage destiné aux américains à qui on (leurs médias et leurs dirigeants) a caché de nombreuses choses et à qui on (les mêmes !) a beaucoup menti plutôt qu'à des étrangers comme nous qui avons eu accès à davantage de sources d'information et qui avons davantage de recul sur les événements cités. Les américains, eux, risquent d'être stupéfaits par la foule d'informations qu'ils vont avoir en main pour la première fois grâce à ce film. Pour avoir vu les 2 documentaires sur les 1000 premiers jours de présidence de George W. Bush qui sont sortis à 15 jours d'intervalle au Cinéma, voici, selon moi, les faiblesses de Fahrenheit 9/11 si on le compare avec "Le Monde Selon Bush" : dans le documentaire de Michael Moore, il n'y a aucun mot sur la "création" de Saddam Hussein et d'Oussama Ben Laden par les américains eux-mêmes et par George Bush père, aucun mot sur le travail de l'ONU, aucun mot sur la politique alternative possible d'autres pays comme la France, l'Allemagne et la Russie, aucun mot sur l'influence de la religion sur les décisions du gouvernement américain et aucun mot sur les campagnes de désinformation médiatique orchestrées au dépend des gens qui savaient et qui disaient que l'administration Bush mentait, d'où mon sentiment global que "Fahrenheit 9/11" est un film plus américano-américain qu'un film français comme "Le Monde Selon Bush" qui apporte davantage de recul à l'analyse sur un sujet pourtant identique en tous points. Pour finir sur une note positive, j'ai passé un très bon moment à regarder ce film de Michael Moore, même s'il n'est pas exempt de défauts comme je l'ai détaillé plus haut, et je trouve vraiment utile qu'une telle oeuvre sorte en salles. Elle permet de "démocratiser" la vérité, même si c'est sous une forme simplifiée, et de la rendre ainsi accessible au plus grand nombre; elle est avant tout destinée à ceux qui ne font pas l'effort habituellement de se documenter en lisant ou en regardant les magazines d'investigation à la télévision.