Fear X représente idéalement le type de thrillers du début des années 2000, dans la lignée d'un Memento il s'inscrit dans ces longs-métrages qui troublent profondément le spectateur, et ce pendant toute la durée du flm. Mettant en scène un homme solitaire, qui n'arrive pas à accepter le meurtre de sa femme, nous allons suivre ses investigations, pour essayer comme lui de comprendre ce qui s'est passé.
L'obsession et la folie qui se dégagent de la personnalité du héros le rende particulièrement attachant, l'empathie étant donc présente de long en large, nous conduisant à nous sentir dans des états similaires aux siens. John Turturro s'implique tellement dans son rôle qu'il nous apparait plus réaliste que jamais. La tristesse qui le guette et l'habite dès les premières minutes s'intègrent avec perfection à l'ambiance globale, dans laquelle il se retrouve comme prisonnier. Cette sensation d'enfermement émotionnel en devient même gênante, lorsqu'il passe des heures entières à fixer des bandes de vidéosurveillance, par exemple. Est-il réaliste ? Est-il parano ? Est-il fou ? Ce sont les questions que nous ne cessons de nous poser, sans trouver une limite rassurante, nous laissant dans un flou constant, qui entrecroise fascination et rejet avec brio.
Un flou psychologique qui se retrouve transcendé par l'incorporation d'un flou artistique. Nicolas Refn joue donc sur le principe des illusions pour perturber le spectateur comme il se doit, organisant son long-métrage d'images toujours plus originales et plus perturbantes, qui définissent son talent de réalisateur. Les images se suffisent à elles-même, l'ensemble du film se révélant assez silencieux, s'ancrant typiquement dans une évolution presque contemplative, mais qui n'en devient jamais pour autant distante. Contrairement à son récent Drive où j'ai trouvé qu'une certaine barrière séparait le spectateur de l'histoire, ici la manière dont sont présentées les images et dont est exploité le son transforme pendant 1h30 notre réalité en une fiction à la limite d'être insoutenable. Réussir à prolonger cet émoi après le visionnage est la principale réussite de Fear X, qui ne déroge pas à la règle des thrillers qui parviennent à ébranler le spectateur au point de le troubler au-delà de la simple expérience filmique.
Le scénario se base donc sur un parcours à double visage, dont on ne sait jamais tirer une réalité ou une logique, tant l'enchaînement des évènements apparait à la fois cohérent et incohérent. La recherche de réponses n'a d'égal que la recherche de questions, qui mixent le tout dans un immense tumulte de l'esprit, qui n'en ressort que déboussolant. La profondeur de l'histoire et les diverses interprétations que nous pouvons en faire se retrouvent magnifiée par un final qui n'a rien de renversant ou de fulminant, mais qui complète l'évolution du personnage avec une éloquence sans défaut. Refn se dévoile donc comme un virtuose de la manipulation de l'esprit, à toutes les échelles, grâce à un désir appuyé d'enrichir son contenu, tant scénaristique qu'artistique. Les réponses nourrissent de nouvelles questions, et la fin nourrit de nouveaux doutes, dont on ne veut plus s'échapper, acceptant le générique avec difficulté.
Le travail de Fear X, qui est de placer le masque du personnage sur le visage du spectateur, est idéalement respecté, et l'oeuvre se révèle donc extrêmement puissante. Elle n'arrive cependant pas à atteindre l'intensité des classiques du genre, restant dans une approche très personnelle, traînant un manque de rythme, qui, s'il est justifié au vu de l'histoire, ne permet pas au spectateur d'approcher le seuil du film efficace en tout point de vue. Refn impose son style avec beaucoup de classe, qui ravira le public friand de ce monde des illusions, dont je fais parti. Il reste alors un bon thriller, qui touche et s'impose comme une oeuvre marquante, sans aller encore plus loin, peut-être par manque d'une réelle consistance.