Si l'on croit suivre, au début, Le Colosse de Hong Kong parce qu'il est une version kong-kongaise du King Kong de 33, on se rend vite compte qu'il représente plus que cela, tant il part, au moment de rencontrer la bête, en feel-good movie version comédie dramatique à l'héroïne peu vêtue, et au protagoniste forcément bien beau gosse.
Et si l'on croit seulement le suivre parce que c'est un nanar savoureux, on se rend vite compte qu'il représente plus que cela; forcément kitsch, il tient plus du cinéma bis décomplexé que des catastrophes annuelles qu'on peut suivre sur nos écrans pour bien se poiler. C'est son singe géant qui donne la fausse impression qu'on est tombé sur une catastrophe dont on pourra se moquer : s'il est très généreux en passages de destruction de ville faîte sans le sou, Le Colosse de Hong Kong nous délivre cependant de bien jolies images.
Ho Meng-Hua, le réalisateur, est à l'aise pour filmer la nature, et il ne se gêne pas pour le montrer; il profite même de chaque instant de tranquillité, de repos de l'intrigue pour balancer nos héros, livrés librement à la jungle, dans les bras l'un de l'autre, sur fond de soleil couchant ou de superbes décors aux couleurs complémentaires. Certes pas du niveau d'un chef-d'oeuvre, ces plans surprennent forcément par leur composition inhabituelle dans les films bis, où le manque de budget prend souvent le pas sur les ambitions des metteurs en scène.
Transformant une bonne partie de son film en quête amoureuse d'une naïveté exemplaire, le réalisateur développe mal ses personnages, en fait des stéréotypes hilarants jusqu'à cette conclusion hallucinante, où le King Kong cascadeur mal accoutré devra jouer les grands drames Shakespearien sur le toit d'un immeuble en maquette, face à des chars et des hélicos en plastique. Il est amusant, d'ailleurs, de voir jusqu'où va le manque de réalisme des décors et des véhicules, qu'on aurait pu au moins attendre en métal, pour avoir des miniatures certes plus difficiles à détruire, mais au moins plus crédibles à l'écran.
Surement qu'à l'époque ce n'était pas le problème; cela, on le sent quand le colosse de Hong Kong décide de protéger sa fille de substitution (parce que la jolie blonde du film, Evelyne Kraft, joue en fait Tarzan au féminin, soit avec un sacré décolleté, l'instinct maternel mais sans force ni robustesse) dans une scène surprenante où l'on croirait, l'espace d'une seconde, la voir morte dans une explosion faramineuse.
C'est en même temps ce qui aurait du se passer, si l'on suit les règles de la physique; mais l'occidentale devant forcément se faire sauver par le hong-kongais héroïque (et toujours aussi beau-gosse), elle s'en tirera avec quelques petites traces de poussière noire, et une méchante toux. Il est d'ailleurs amusant, à ce sujet, de voir comment est caractérisé l'influence des occidentaux sur le pays : devenu véreux, les hong-kongais passent leur temps à vouloir contrôler la bête, à fumer des cigares, à balancer leur thune par la fenêtre. Ils deviennent même violeurs (pour les méchants seulement) devant la beauté sauvage de Kraft, qui décidément est bien maligne pour porter un soutien-gorge alors qu'elle n'a aucune des valeurs de l'humanité pudique, elle qui aura connu la vie de jungle dès son plus jeune âge, donc avant qu'on lui apprenne les concepts et valeurs de l'Homme.
Amusant par bien des aspects, Le Colosse de Hong Kong reste un joli film au kitsch démesuré et hilarant, plaisir irrésistible et généreux en action malgré son budget qui, de toute évidence, n'aurait pas pu suivre pour la moitié de ses scènes de destruction si le reste avait été supprimé. Tentant l'émotion sur la fin, il recycle sur sa dernière partie les films de Keiju Eiga qu'il mêle à Kong, dans un résultat proprement hallucinant, explosif et maquettiste.
Un plaisir coupable.