Le Fantôme de l'Opéra : les secrets du tournage

Déjà adaptée à de multiples reprises -135, pour être précis- au cinéma et à la télévision, l'histoire inventée en 1910 par Gaston Leroux devint entre les mains expertes du producteur-compositeur Andrew Lloyd Webber (Cats, Evita...) une comédie musicale extrêmement populaire : montée à Londres en 1986, emmenée par son créateur à Broadway en 1988, jouée dans 29 pays, elle a été vue depuis ses débuts par près de 80 millions de personnes, et détient le record de vente d'albums pour une comédie musicale. Selon Joel Schumacher elle développe, par rapport au roman, la relation amoureuse qui lie Christine et le Fantôme, ce dernier prenant davantage l'allure d'un "romantique au destin tragique" que celle d'une "créature qui fait horreur".

Impressionné par le thriller vampirique Generation perdue, Andrew Lloyd Webber proposa dès 1988 à Joel Schumacher de réaliser une version cinématographique de sa comédie musicale. Mais après son divorce d'avec Sarah Brightman, qui avait créé le rôle de Christine, le compositeur décida de repousser la production du film. Puis, dans les années qui suivirent, Joel Schumacher, qui s'était engagé dans différents projets, ne trouva pas le temps de s'y consacrer. Ce n'est qu'en décembre 2002 que les deux hommes se retrouvèrent lors d'un dîner à Londres, et reparlèrent du Fantôme, pour donner enfin vie au film.

Dans l'adaptation de leur scénario à partir du livret de la comédie musicale, Joel Schumacher et Andrew Lloyd Webber se sont attachés à retracer le parcours du personnage éponyme. " Dans la comédie musicale sur scène, affirme le compositeur, on ne fait qu'effleurer l'enfance du Fantôme, on ne remonte pas dans le temps pour la voir comme on le fait dans le film. C'est un changement très important, parce qu'il rend la condition du Fantôme encore plus compréhensible, on la ressent davantage".

"Nous avions envie de faire découvrir au public quel chemin a amené chacun des personnages à l'Opéra, souligne pour sa part le réalisateur, et aussi montrer l'univers intérieur de l'Opéra, les activités en coulisses, les plâtriers, les fabricants d'accessoires, les perruquiers, les peintres et décorateurs, les danseurs et chanteurs... Tout cela vient s'intégrer dans le tissu narratif et l'enrichir".

Si Joel Schumacher s'est chargé du casting proprement dit, Andrew Lloyd Webber, producteur, compositeur et co-scénariste du film, a pour sa part " essayé d'atteindre l'équilibre vocal parfait entre les acteurs et les actrices possédant les qualités vocales requises. C'était absolument crucial d'avoir des comédiens capables de chanter, parce que ce sont les chansons qui conditionnent tout le reste, l'histoire, les émotions...".

Pour entrer dans la peau du Fantôme, le compositeur, qui exigeait que les rôles principaux soient chantés par leurs interprètes, voulait " quelqu'un qui ait une sensibilité un peu rock. (...) Christine est attirée par le Fantôme parce qu'il est le danger". Or, Gerard Butler -qui a chanté dans un groupe- "a une grande voix de ténor rock". C'est donc lui qui fut choisi, préalablement repéré par Joel Schumacher dans Dracula 2001.

Pour incarner l'innocente Christine, il fallait une jeune actrice capable de prouesses vocales sophistiquées. Emmy Rossum, formée au Metropolitan Opera depuis l'âge de sept ans et remarquée dans Mystic river, emporta les suffrages. Elle se prépara au rôle en prenant des leçons de danse, et en visitant l'Opéra Garnier, ainsi que le musée d'Orsay, afin d'étudier les peintures et sculptures de danseuses d'Edgar Degas .

Raoul, le rival heureux du Fantôme auprès de Christine, prend pour sa part les traits de Patrick Wilson, star des comédies musicales "Oklahoma !" et "The Full Monty" à Broadway. Dans le film, son rôle s'enrichit et prend plus d'épaisseur que dans le spectacle.

Le personnage de la Carlotta, extravagante diva de l'Opéra, est interprété par Minnie Driver. Bien que chanteuse elle-même, elle est ici doublée par la cantatrice Margaret Preece, qui avait joué le rôle sur scène. L'actrice a cependant créé les dialogues additionnels en italien pour improviser les diatribes et les injures hautes en couleur de la Carlotta exaspérée.

Anthony Pratt, chef décorateur du film, fut chargé de traduire l'atmosphère du Paris des années 1870 en lui insufflant une réalité stylisée. Il s'est pour cela intéressé aux peintres de l'époque, John Singer Sergeant, Gustave Caillebotte et Edgar Degas, et a visité le Palais Garnier. Les décors ont été entièrement construits sur huit plateaux des studios de Pinewood, le plus complexe étant celui de L'Opéra Populaire, librement inspiré de l'Opéra de Paris, plus grand opéra du monde. Pour Joel Schumacher, "L'Opéra de Paris est magnifique, mais il est immense. Je voulais que l'Opéra populaire soit plus intime, qu'il fasse penser à un personnage féminin sexy plus qu'à un batîment".

L'ambiance oppressante de l'antre souterraine du Fantôme contraste avec celle de l'Opéra. Si l'opéra Garnier est construit sur un lac artificiel, Anthony Pratt avoue avoir été contraint de "développer cela. Il fallait un monde aquatique digne de la luxuriance du repaire du Fantôme". Le chef décorateur s'est également chargé de créer les décors des trois opéras donnés à l'Opéra Populaire.

Pour Le Fantôme de l'Opéra, Joel Schumacher, lui-même ancien costumier, a indiqué comme référence visuelle à Alexandra Byrne le film Le Guépard. Selon la costumière, dans le chef-d'oeuvre de Luchino Visconti, "les costumes sont très beaux et ont vraiment de l'esprit. Ils ne sont ni esclaves de l'époque ni de ce que j'appelle 'des tenues de musée'. Ils sont d'abord dictés par la narration".