Avant Guy Williams, Alain Delon ou Antonio Banderas, il y a eu le plus formidable des Zorro, celui que tous les autres ont cherché à imiter sans jamais l’égaler : Tyrone Power. Quelle classe ! Que ce soit sous le masque du justicier ou dans les habits de soie de Diego, pas un seul de ses gestes n’est indifférent. Quand il mouche une bougie de la pointe de son épée, c’est magique. Quand il nous gratifie du seul duel du film, le combat est si intense qu’on est scotchés. Quand il danse avec la senorita Darnell, mignonne comme un cœur, ou quand il joue les benêts efféminés derrière son monocle avec son mouchoir parfumé, c’est un régal. Elégance, humour, sportivité : il y a tout. Et il n’est pas seul : derrière la caméra, il y a Rouben Mamoulian, metteur en scène souvent oublié dont la mise en scène fluide, servie par une photo somptueuse, déroule un tapis rouge aux comédiens et se montre aussi très à l’aise dans les scènes de foule de la fin. Les dialogues sont remarquables, avec d’inénarrables tirades "so british" dans des dîners censés se dérouler en espagnol. Et puis ce Zorro est un vrai film d’aventures, avec tout ce que ça suppose de rudesse, loin de l’univers aseptisé de la série Disney. L’exploitation des paysans, ici, se traduit par des coups de fouet, des langues coupées (un détail qui a sans doute inspiré le personnage de Bernardo par la suite). Le balourd sergent Garcia est ici remplacé par un soudard qui finira roué de coups. Et si le gouverneur Luis Quintero est un pleutre assez ridicule, son acolyte le capitaine Pasquale (excellent Basil Rathbone) est un vrai méchant, inquiétant et machiavélique à souhait. Beaucoup plus qu’une curiosité historique, ce "Signe de Zorro" est un excellent film, qui a gardé toute sa modernité et mérite d’être redécouvert.