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Yves G.
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3,5
Publiée le 20 novembre 2020
Ann Walton (Mala Powers) est une jeune employée de bureau qui vit encore chez ses parents avant d’épouser son fiancé. Mais le viol dont elle est victime va avoir raison de son équilibre psychologique. Ne supportant pas la sollicitude de ses proches, elle prend soudainement la fuite. Sur le chemin de la Californie, elle est recueillie par un pasteur qui va lui redonner confiance en elle-même.
Hollywood dans les années quarante était un microcosme terriblement machiste. Ida Lupino, qui y avait acquis une certaine renommée pour ses rôles de femme fatale, y monta avec son mari une société de production et y signa plusieurs films à petit budget. "Outrage", sorti en 1950, était son troisième et reste à ce jour le plus connu.
Il y est question, même si le mot n’est jamais prononcé (car la censure ne l’aurait pas permis), d’un viol et de ses répercussions. Le film, d’une inhabituelle brièveté (une heure et quinze minutes seulement) compte deux parties nettement séparées. La première se déroule dans la ville natale, innommée, d’Ann Walton. On la suit d’abord dans l’insouciance de ses activités quotidiennes. Puis, c’est la scène du viol, filmée de nuit, sans bien sûr ne rien montrer de l’acte lui-même mais en le laissant deviner avec les jeux d’ombres et de lumières qu’Hollywood affectionnait à l’époque. Et, dans un troisième temps, c’est l’impossible convalescence.
La seconde partie du film se déroule dans un cadre tout autre. Ann s’est enfuie de chez elle et a trouvé refuge dans une immense exploitation agricole qui produit et commerce des oranges. Aux perspectives urbaines et nocturnes de la première partie ont succédé les immenses espaces agrestes et ensoleillés de la seconde. On comprend à ce changement de décor que la guérison d’Ann est en bonne voie.
spoiler: Le film connaît un dernier rebondissement lorsque Ann agresse, lors d’une fête campagnarde, l’homme qui tentait de flirter avec elle, le laissant entre la vie et la mort. Le procès qui se déroule alors interroge la responsabilité pénale de la femme violée, qui revit sans cesse son agression et qui en combat le souvenir par le déploiement d’une violence sans retenue. Grâce au plaidoyer vibrant du pasteur qui la défend, le juge accepte de ne pas mettre Ann en prison mais de l’enjoindre à se soigner. À l’occasion du procès, le cas du violeur – qui vient d’être opportunément arrêté et s’avère avoir de lourds antécédents criminels – est lui aussi évoqué et les protagonistes s’accordent à considérer qu’il devrait lui aussi être soigné plutôt qu’incarcérer.
Pépite oubliée de l’âge d’or hollywoodien, "Outrage" de Ida Lupino louche du côté du film à thèse sacrifiant la crédibilité de son récit sur l’autel d’une cause d’une étonnante modernité pour un film de cette époque : la prise de conscience du traumatisme causé par une agression sexuelle.
Superbe mise en scène du prédateur et de sa proie qui rappelle M le Maudit de Fritz Lang avec qui Ida Lupino tourna en tant qu'actrice avant de réaliser.
Ida Lupino appuie là où il faut, avec la blessure ultime et intime qu'une femme peut subir et qu'une fois encore la réalisatrice va disséquer la lente cicatrisation du trauma, qui touche aussi bien le corps que l'esprit. Ce qui impressionne c'est encore l'audace et la modernité de la cinéaste sur un tel sujet, rappelons que nous sommes en 1950 ! La star, connue pour ses rôles de femmes fatales, connait assez bien son univers pour ne pas trop "déraper", ainsi le mot "viol" n'est jamais prononcé, l'agression en elle-même n'est pas montrée même pas en hors-champs il n'est que suggéré. Tout repose donc sur le talent de la cinéaste pour faire monter l'angoisse sur les minutes précédentes au viol et sur la performance de l'actrice pour nous foudroyer de terreur. Ida Lupino ne stigmatise jamais les hommes, ainsi la victime se reconstruit par d'autres hommes qui restent bienveillants. La cinéaste brosse dans le sens du poil la communauté très machiste de son époque pour mieux montrer le désarroi de leur victime : la femme. Jamais alors un film n'avait pointé du doigt les conséquences d'un telle blessures, jusqu'à un plaidoyer avant-gardiste qui laisse bouche bée où comment la cinéaste pousse à la réflexion sur la nécessité de soigner plutôt que de punir ! Un grand film à voir et à conseiller. Site : Selenie.fr
#metoo Le parcours d’Ida Lupino est assez atypique. Surtout pour une femme, surtout à cette période. Elle commence comme actrice au début des années 1930 et bascule dans la réalisation et la production à la fin des années 1940, par hasard, comme toujours. Sauf qu’il n’y a pas vraiment de hasard. Outrage est son troisième long métrage en tant que réalisatrice scénariste. Une carrière hors du commun pour des thématiques hors des sentiers battus. On suit la jeune Ann, employée tranquille destinée à un mariage sans histoire. La veille de la cérémonie, à la sortie du travail, elle est traquée par un type puis violée par celui-ci. Profondément choquée, Ann laisse tout derrière elle et fuit là où elle ne revivra pas son traumatisme dans le regard du quidam. On notera en premier lieu la maîtrise totale de la mise en scène. La scène de poursuite est digne de figurer dans les classiques. Un magnifique travail de studio à l’éclairage parfait et à la tension maîtrisée. On pensera à de Palma assurément. On sera tout aussi estomaqué par le développement d’une thématique assez casse-gueule pour l’époque. On tient là une héroïne qui traduit les angoisses des femmes dont la parole pèse peu, toujours un peu coupables, même quand il leur arrive le pire. Un regard acéré sur la masculinité toxique en somme. Au rayon des franches réussites, notons aussi l’interprétation au poil de Mala Powers, en retenue et en emphase, toujours juste. Au final, un thriller dramatique très efficace et novateur, tant sur le fond que sur la forme.