En réalisant « Freud, The secret Passion », John Huston abandonne totalement du scénario de Sartre (qui n’est pas crédité) et invente une biographie sous forme de film à suspens, très proche du film noir. Pour ce faire il utilise un noir et blanc inspiré des Lang, Pabst et Murnau des années trente, dans les décors cossus de ce qui fut la fin de l’empire autrichien. Dans cette Vienne bouillonnante, qui publiera Zweig et Kafka, ou se joueront les opéra de Bartók et Schönberg, mais aussi cette Vienne ultra traditionaliste, avec ses classiques (les plus nombreux), et ses modernes, et où Freud se débat pas à pas contre une pensée souvent plus fermée que rigoriste. Ce combat est « vécu » par Montgomery Clift, accompagné de la splendide Susannah York (au tempérament difficile, qui agaça Huston plus d’une fois), Larry Parks (Dr. Joseph Breuer) et Susan Kohner (son épouse aimante mais effrayée). Malgré les 140 minutes du film, la tension reste présente, si bien que la fin semble amputer une suite désirée. Une fois de plus, Huston met en scène un petit groupe (les 4 sus cités) face à l’adversité presque entière de la capitale impériale. Mais de temps à autre, orfèvre en la matière, Huston inclut des moments de respiration comme la visite à la Salle Pétrière chez le Professeur Charcot, qui inspira et confirma les recherches de Freud sur l’hystérie par la méthode de l’hypnose (considérée comme de la magie noire à Vienne). Aussi des rêves hautement symboliques et picturalement très inspirés. Bien sur, en France il est de bon ton de déblatérer sur la psychanalyse, ce que le pamphlet d’Onfray (critiqué par toute la faculté) n’a fait qu’amplifier de manière très significative. Néanmoins, admiratif devant la réalisation de Huston, aussi inspirée que didactique, embarquant le spectateur avec lui, ainsi que la performance impressionnante de Monty Clift, une question se pose vis à vis de tous ces jean-foutres : en dehors de la psychanalyse, quels progrès significatifs à fait la psychiatrie dans les vingt dernières années? Il faut voir ce film qui vaut mille fois mieux que les persiflages de bas étages sur les réalisations du médecin viennois et de son biopic filmé. Huston nous livre un grand film, un de plus.