« Cerise », c’est comme un soufflé au chocolat. Sur le papier, on se dit que c’est certes peu original mais si c’est bien réussi, çà peut être délicieux, subtil, délicat même. Sauf qu’une fois dans le four, notre soufflé reste désespérément raplapla… Sur le papier, et même au vu de la bande annonce, on se dit qu’il y a matière à quelque chose avec l’histoire de cette gamine écervelée qui débarque dans un pays si différent et au bord du chaos politique. Filmer l’Ukraine d’aujourd’hui, avec ses contradictions, sa vie politique et sociale à la fois confuse et malsaine, c’est une belle occasion d’ouvrir le jeune public, à travers le regard de cette fille bien d’aujourd’hui qui ne s’intéresse à rien si ce n’est qu’à elle-même, aux questions de démocratie et d’Histoire avec un « H » majuscule. Mais Jérôme Enrico reste trop, beaucoup trop à la surface des choses. En fait, à l’image de son héroïne, il reste superficiel et un peu nombriliste. Le scénario joue avec quelques ficelles bien voyantes et surtout bien éprouvées, il ne s’éloigne jamais de son but unique : faire une comédie. Du coup, tout ce qui aurait pu être subtil reste « ras des pâquerettes » : on effleure les vraies enjeux comme l’attachement encore perceptible d’une partie de la population aux grandes heures du Communisme, on n’évoque Tchernobyl que de façon anecdotique, on ne montre la corruption qu’à travers quelques gros industriels tellement riches et tellement m’as-tu-vu qu’on dirait des caricatures. Même la Révolution de la place Maïdan est évoquée sans qu’on n’y comprenne jamais les motivations profondes et politiques. Le film ne prends jamais la hauteur espérée et reste désespérément au niveau des clichés. Et des personnages caricaturaux, çà n’en manque pas. Cerise est tellement ado insupportable que çà frise l’injure à toute une génération ! Ses parents, le petit copain à lunettes bien propre sur lui qui la suit partout, le play-boy intello révolutionnaire et inaccessible, bref : toute la galerie est représentée ! Les acteurs font de leur mieux, Zoé Adjani-Vallat (nièce de… pas n’importe qui !) en tête. Elle est charmante, plutôt convaincante et tire le maximum de ce rôle si peu subtil. Les autres acteurs sont eux aussi plutôt bons, avec une mention spéciale à Tania Vichkova en vieille femme de ménage dynamique et épatante. C’est elle qui est à l’origine d’une scène parmi les plus réussies, quand elle emmène Cerise au cimetière de Kiev où sont enterrés tous les fils des ses amies et aussi le sien, tous tombés à 20 ans en Afghanistan à la fin des années 80. Elles montrent de façon toute simple à cette gamine française, sans pathos, ce que les générations précédentes ont payé comme tribut à l’Histoire. Leur nostalgie du Communisme triomphant, mêlé à une fascination du capitalisme clinquant est également touchant, tellement il paraît étrange et décalé. Au final, le film qui ne dure qu’1h30 finit par paraitre bien long car on sent bien vite qu’il ne va nulle part. Certes, Cerise va évoluer et quitter un peu sa superficialité de gamine, c’est quand même le minimum mais c’est tout. Il y aurait eu matière à quelques histoires secondaires bien écrites : le chauffeur d’un nouveau riche qui campe clandestinement la nuit sur la place Maïdan à l’insu de son patron, çà aurait pu être un angle intéressant. Les retombées radioactives de Tchernobyl et leurs conséquences sur l’agriculture de tout un pays, çà aurait pu être montré autrement que par des légumes disproportionnés. Et ce père venu chercher fortune à l’Est et qui se retrouve piégé (et plus ou moins racketté) par une mafia ukrainienne très puissante et très riche, encore une occasion manquée car trop survolée. En résumé, une déception à beaucoup de niveaux.