Un an après Ecrit sur du vent, Douglas Sirk reprend trois des quatre acteurs qui y tenaient le haut de l'affiche, Rock Hudson, Dorothy Malone et Robert Stack. Habitué aux adaptations de romans de divers qualité ou aux "remakes" que lui proposaient les studios (qu'on pourrait plutôt qualifier de recyclages de scripts), le réalisateur s'attaque cette fois à un grand nom, celui de Faulkner. Comme par hasard, pas de technicolor pour cette fois, mais un noir et blanc, sublime, qui convient parfaitement au ton âpre de l'auteur. Des riches héritiers d'Ecrit sur du vent aux bohèmes de La ronde de l'aube, il n'y a qu'un pas. Robert Stack et Dorothy Malone incarnent à nouveau deux êtres perdus dans le brouillard, ou plutôt dans les nuages. L'un fonce dans son bolide ailé pour oublier son humanité, l'une se demande si elle n'est pas passée à côté de sa vie. Rock Hudson, lui, arrive là bien solide et droit. Les spectateurs découvrent ces "saltimbanques" et entrent dans l'intimité du drame par les yeux de ce journaliste, Burke Devlin. Quand le mot 'fin' apparaît, que de chemin parcouru, et que d'humanité en 1h30. Les personnages vivent, réfléchissent, leur psychologie est finement travaillée, et le drame, simple, mais puissant, prend aux tripes lors d'une scène fatale comme Sirk sait nous en servir. Bref l'association de ces deux talents, Faulkner et Sirk, fait des étincelles - on frise la perfection. L'écrivain tombera d'accord et citera La ronde de l'aube comme l'adaptation de ses romans qu'il préfère ; Sirk quant à lui jugera qu'il est sa meilleure réalisation.