Lors d'un match de water-polo, Michele Apicella, alter ego du cinéaste, réfléchit à voix haute sur ce qu'est être communiste en 1989. Le travail d'introspection mené par Apicella ne se fait pas seul, il est nourri par la confrontation avec d'autres personnages (sa fille, deux militants communistes, une journaliste, entre autres) qui ne sont en aucun cas conciliants avec lui mais le bousculent, le poussent à se questionner davantage. En réalité, il n'y a aucune conciliation dans "Palombella Rossa" mais une somme de questions qui tournent en boucle, se répètent (la répétition est d'ailleurs en soi un motif du film : répétition de situations, de répliques, de plans) et au moment où une forme de conclusion survient, elle est instantanément contredite, ou du moins remise en cause. Aucune décision n'est prise, aucun jugement n'est effectué parce que l'esprit d'Apicella-Moretti n'a pas pour but de solutionner la question de l'identité communiste dans une période qui voit le mur de Berlin s'effondrer (et par conséquent l'Allemagne de l'Est puis l'Union Soviétique) mais d'articuler autour de celle-ci une pensée qui soit la plus juste possible. Aussi, le niveau politique du film se situe moins dans la définition de ce qu'est le communisme que dans la défiance d'un langage simpliste – le langage de la politique politicienne bien sûr mais aussi celui des journalistes qui à force de synthétiser des propos finissent par les déformer – et la défense de ce que doit être une pensée juste et cohérente. Si Apicella balbutie, piétine et semble ne pas progresser, c'est parce qu'il ne cesse de réfléchir au propre cheminement de sa pensée et le film, lui, – c'est sa radicalité et sa cohérence – suit Apicella en permanence, calque son rythme sur les hésitations de son personnage. Film hautement mental, "Palombella Rossa" fait donc l'éloge d'une pensée instantanée et juste mais n'oublie pas pour autant l'émotion. Le film met du temps à la faire surgir mais elle vient progressivement, notamment au détour d'un sublime ralenti sur un ballon qui vient se loger dans la lucarne du gardien, d'une scène du "Docteur Jivago", retransmis au bar de la piscine, ou bien quand "I'm on fire" de Bruce Springsteen retentit et apaise momentanément des joueurs sous pression. L'émotion est formelle, musicale et également sportive car c'est enfin l'amour du sport et sa capacité à (ré)unir une foule qui est célébré. La foule qui conspue l'arbitre, qui siffle un joueur de l'équipe adverse quand ce dernier s’apprête à tirer un penalty, qui crie à n'en plus finir pour encourager la sienne, qui éclate de joie et qui descend des gradins pour partager la victoire avec son équipe : ce sont tous ces comportements d'un collectif et les émotions qu'ils véhiculent que Moretti met en avant. La joie d'être ensemble, c'est peut-être après tout le seul moyen de lutter contre la montée de l'ultra-libéralisme qui gagne à ce moment l'Italie et qui gagnera l'Europe dans les années suivantes. Film de son temps et visionnaire, "Palombella Rossa" est l'un des plus complexes, des plus originaux et passionnants de Nanni Moretti.