De son introduction tétanisante, L'Armée des morts pose le cadre de ce qui fera le reste de sa durée : du sang, de l'action, de la terreur pure. Film brute s'il en est, ce remake du Zombie de Romero abandonne intelligemment tout sa critique sociale pour mieux se concentrer sur l'expérience du spectateur, ici presque exclusivement visuelle, lui assurant un film d'action/horreur comme aucun jusque là.
C'est moins son côté bête que l'honnêteté de l'entreprise qui marque : Dawn of the dead, dès ses débuts, se revendique comme un film de zombies bourrin et ultraviolent qui ne cherchera pas à s'embourber dans une pseudo réflexion qu'il n'aurait, de toute manière, pas forcément maîtrisée : la finesse d'écriture n'ayant jamais été le point fort de Zack Snyder, il paraît naturel que son premier long-métrage soit à la fois primaire et, paradoxalement, le moins proche de ce qu'il aura fait dans le reste de sa carrière.
Fort d'une maîtrise visuelle constante, Snyder, sur un scénario de James Gunn, nous présentera des personnages cependant très stéréotypés qu'on aura déjà vu ailleurs à de multiples reprises, du dirigeant tyrannique au riche égoïste et pervers, en passant par le gentil flic et la pauvre veuve passée du statut de victime à celui de l'indestructible Rambo. Il parviendra cependant à donner de l'importance à une majorité d'entre eux, voir à tous les faire vivre autour de plusieurs scènes suffisamment bien tournée pour qu'on y trouve l'intégralité des membres du groupe.
S'il décidera de se concentrer sur une petite part de ses personnages (finalement les moins stéréotypés et les plus attachants) autour de quelques séquences de construction de véhicule dignes d'une pub ou d'un clip de rap gangsta, brilleront surtout les scènes de dialogues lointains (du moins de tentatives) avec un personnage cloîtré de l'autre côté de la rue, principal moyen de développer la personnalité d'un Ving Rhames tout en charisme.
L'on regrettera alors que tant de soin ne soit pas apporté à tous les personnages principaux; de Michael Kelly en faux traître à Jake Weber en héros fade et courageux, aussi lisse qu'inintéressant, sans oublier Sarah Polley tout de même crédible en Wonder Woman et le jeu certes intéressant mais outrancier d'un Mekhi Phifer au personnage intéressant, quoi qu'encore une fois pas suffisamment développé.
Grande qualité de Snyder pourtant, qui parviendra admirablement à rendre triste la mort de la plupart de ses personnages, passés d'outils de démonstration de violence à pauvre gars qui ne méritaient pas pareil traitement. Comme évoqué plus haut, c'est par le choix judicieux de bien placer les personnages à l'écran qu'il arrive à les faire tous vivre plus ou moins bien; reprenant l'idée du premier film, il leur assène une personnalité par la manière que chacun a d'interagir entre personnes et de consommer dans ce magasin pas forcément très bien représenté graphiquement.
Pour que vive une réelle tension dans ce genre de huis clos, il paraît nécessaire d'apporter un soin particulier à l'élaboration d'un plan de l'immeuble pour que le spectateur puisse se repérer dans l'espace et se sentir, de fait, engagé dans l'intrigue; s'il sait se repérer dans le lieu de vie des protagonistes, il pourra d'autant mieux s'y attacher et regretter leur décès. C'est ce qui manque drastiquement à L'Armée des morts, bourrins certes mais pas suffisamment abouti pour marquer les esprits.
C'est peut-être également pour cela qu'il est si peu reconnu dans la carrière de son réalisateur; s'il fut un choc à sa sortie, nul doute que les sorties successives de 300, Watchmen, Man of Steel et Batman V Superman auront assez fait parler d'elles pour laisser aux oublis cette série b sympathique et efficace, forte de son action pétaradante et très honnête, où les personnages, s'ils auront souvent les mauvais comportements, survivront avec crédibilité et sans trop de Deus ex machina.
On aura certes vu mieux dans le genre, mais des zombies rapides aussi effrayants, jamais.
Sanguinaire, jouissif (ses citations de Dirty Harry au moment de filmer les armes sont succulentes) et épique sur sa fin, il possède l'une des images de fin les plus épiques et marquante qu'il est possible de voir dans le genre : ce camion entouré de zombies, avec la lumière et le sens du mouvement de l'ami Snyder, laissent de nombreuses images inoubliables en tête, préfigurant un leitmotiv de la carrière de son réalisateur : l'iconisation de ses personnages et de ses situations, qui lui aura donné, avec le temps, un statut de metteur en scène génial et particulièrement stylisé.
Rassurez vous, vous ne verrez pas ici beaucoup de ralentis.