"La prisonnière du désert" a beau ne pas être le plus fameux western de John Ford, c’est un réel plaisir de découvrir ou de redécouvrir de vrais westerns. C’est vrai quoi, on a des indiens, des cow-boys, des fusillades et même des courses-poursuites, encore que celles-ci ne sont pas nombreuses (en l’occurrence seulement deux). Ce n’est pas tout : on y retrouve aussi la musique très spécifique qui a contribué au succès du genre, tout comme le genre a contribué à la popularisation de cette musique. En somme, tout ce qui a constitué la matière première de ce qui a fait l’âge d’or du western. Le cap est mis sur le Texas, en l’an 1868. En regardant "La prisonnière du désert", on ne peut nier que John Ford était l’un des maîtres artisans des films du genre. Non seulement il a su transposer un fait réel, mais en plus il a su prendre son temps pour aménager son long métrage de scènes d’action, de moments de tension (en particulier quand la famille se replie à l’intérieur même de leur petite ferme), de moments graves et même dramatiques, tout en développant suffisamment les différents personnages sans trop en faire, le tout saupoudré de quelques petites notes d’humour. Reconnaissons qu’à l’époque, on ne tournait un film que lorsqu’il était prêt, le temps de l’écriture demandant un gros laps de temps considéré aujourd’hui comme un luxe qu’on ne peut plus s’offrir. Et puis il faut dire qu’avec John Wayne (autre figure emblématique du western) dans les rangs, John Ford sait encore mieux que quiconque comment mener son affaire. Ben tiens, c’est que les deux John n’en sont pas à leur première collaboration ! Loin de là ! Mais là où on peut mesurer tout le savoir-faire du réalisateur, c’est lors de la scène d’ouverture : elle se fait sur des paysages mythiques (ceux de la Monument Valley avec ses célèbres tertres rocheux), filmés depuis l’intérieur d’une petite ferme située dans une région aride pour accueillir John Wayne en homme qui vient de quelque part de l’autre côté du désert. Mais le plus étonnant, c’est que les dernières images sont assez similaires à la scène d’ouverture, à la différence près qu’au lieu de voir la porte s’ouvrir, celle-ci se ferme, laissant John Wayne s’évanouir quelque part dans ce grand espace, comme pour signifier qu’une page de l’Histoire du Grand Ouest venait de se tourner. Seulement aujourd’hui, nous sommes au XXIème siècle, aussi il est très possible qu’on voit ce film d’un œil légèrement différent, même si la nostalgie du cinéma d’antan reste présente. Pourquoi je dis ça ? Eh bien parce que vous ne pensez pas que "La prisonnière du désert" pourrait être considéré comme étant un des ancêtres du road-movie ? Après tout, nous suivons nos héros sur des kilomètres et des kilomètres, jusqu’au Nouveau-Mexique ! Malgré la gravité du sujet et quelques actes barbares commis, ce long métrage est très regardable et reste tout public. John Ford a sans doute jugé inutile de montrer les exactions commises, comme par pudeur, laissant du même coup le spectateur avec sa seule imagination. Mais si "La prisonnière du désert" n’est pas retenu comme l’un des films les plus emblématiques du cinéaste, c’est sans doute parce qu’il y a quelques maladresses. Déjà, la Monument Valley ne se situe pas au Texas, mais sur la frontière délimitant l’Arizona avec l’Utah. Mais peut-on en tenir rigueur ? Je serai tenté de répondre par la négative, car les décors superbes ne desservent en rien l’intrigue, bien au contraire. Et puis après tout, en cette année de tournage qu’est 1956, il est (déjà) devenu difficile de trouver des milieux naturels si grandioses à cause des constructions à tout va… Parmi les maladresses, on notera aussi une musique trop présente pendant la prière funéraire. Et puis on notera aussi un jeu parfois un peu trop surfait, un peu trop théâtral. Bien que le cinéma d’antan fut ainsi fait, c’est visible dans les rôles féminins, mais plus encore chez Jeffery Hunter, celui-là même qui a incarné Martin Pawley. Mais cela ne gâche en rien la captivation du spectateur, lequel, à l’instar de John Wayne en Ethan Edwards, veut savoir ce qu’il est advenu de la dernière fille Edwards. Oui j’ai bien dit la dernière fille Edwards. Non je ne spoile pas, il n’y a qu’à regarder le titre de la version française, que je juge un peu maladroit. Très différent du titre original, "The searchers", j’aurai plutôt vu une traduction littérale, et tant pis si ça laissait entendre une histoire sur les orpailleurs. Quoiqu’il en soit,, "La prisonnière du désert" reste un bon film d’autant qu’on a de bonnes notes d’humour, comme je le disais plus tôt : entre le fameux Moïse à qui (là c’est un avis qui n’engage que moi) la voix française ne va pas du tout, et un duel qui commence de façon très singulière, il y a de quoi esquisser un sourire de temps en temps. Mais pour tout dire, je n’ai qu’un seul regret : c’est que le chef indien Eclair, brillamment interprété par Henry Brandon, ne soit pas plus exploité pour renforcer l’attachement du spectateur à la cause de Ethan Edwards et de Martin Pawley.