Le deuxième épisode se termine là où commençait le premier (on ne peut pas m'accuser de spoiler, la mort de Mesrine n'étant un secret pour personne), sauf que cette fois, l'épisode qui va de la sortie de Mesrine et de Sylvia de leur planque de la rue Belliard jusqu'au guet-apens de la Place Clignancourt est filmé du point de vue des hommes de la BRB de Broussard et de l'OCRB d'Aimé-Blanc.
Pas étonnant que Jean-François Richet ait ainsi procédé à une répétition en boucle, car il n'a fait après tout qu'imiter son modèle : malgré son indéniable créativité, Jacques Mesrine a souvent reproduit les mêmes actes dans sa "carrière" : l'évasion, l'enlèvement d'un vieil homme pour une rançon, l'interview provocatrice, jusqu'au double braquage improvisé, boucle dans la boucle, figure inventée au Canada et renouvelé à Paris avec Ardouin, qui lui même succède à Ferreira et Mercier, et précède Besse.
Cette tendance à la redondance a certainement posé un problème à Richet, et plus particulièrement pour ce deuxième épisode qui est à la fois plus long (de 17 minutes) et plus reserré dans le temps (de 1973 à 1979) et dans l'espace (pas de virée en Algérie, en Espagne ou au Canada, tout se passe en France). Dans la première moitié de "L'Ennemi public N°1", braquages, courses poursuites, fusillades et carambolages s'enchaînent, et ce n'est que grâce au brio de Richet pour filmer ces scènes à l'hollywoodienne (même si les R12 et les 204 sont moins glamours que des Ford Gran Torino ou des Mustang) que l'on ne sombre pas dans l'ennui.
Les qualités soulignées dans "L'Instinct de mort" sont bien présentes dans la deuxième partie : indéniable sens du rythme, puissance de l'interprétation de Vincent Cassel, et absence de complaisance au-delà de la fascination. Pourtant, la mayonnaise ne prend pas toujours, la faute sans doute à un manque de choix clair dans la tonalité, entre comique dérisoire et fresque épique. Dans son ambivalence devant son personnage, le réalisateur finit par exagérer et sa dimension héroïque, entre Mandrin et Robin des Bois, et sa dimension dérisoire, notamment quand il se met à flirter avec les thèses ultra-gauche de son nouvel ami Charlie Bauer.
Celui-ci, joué par un Gérard Lanvin à l'accent pagnolesque, le conduit au pire épisode de la longue cavale de l'ennemi public N°1, celle de l'enlèvement du "journaliste" du torchon d'extrême-droite Minute (celui la même que Desproges qualifiait de sartrien, puisque "pour moins de dix balles, vous avez à la fois La Nausée et Les Mains Sales"), Jacques Tillier, laissé pour mort avec trois balles dans la peau.
Cette mesrinisation de l'ensemble du film se diffuse aussi à toute la distribution, transformée en gang des postiches : un Olivier Gourmet aminci avec le collier de barbe de Broussard, un Samuel Le Bihan empâté avec les rouflaquettes de Michel Ardouin, dit "le Porte-Avion" pour la puissance de son armement, ou une Ludivine Sagnier à la perruque rousse. Seul Mathieu Amalric échappe à ce relookage plastique trop pesant et incarne un François Besse rabat-joie très convaincant.
Malgré ces réserves, "L'Ennemi public N°1" se laisse regarder sans déplaisir, grâce à un montage nerveux, et à la précision documentaire de certains épisodes oubliés, comme la tirade de Mesrine à son procès où pour démontrer la corruption de la justice et de la pénitenciaire, il exhibe la clef de ses menottes achetée pour 300 000 anciens francs. Moins épuré, moins tendu que le premier, il déçoit un peu l'attente, tout en ne faisant quand même pas regretter d'être allé au bout du cycle consacré à celui que le producteur Thomas Langman qualifie de dernier des gangsters français.
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