Imaginons juste un instant que nous prenions un réalisateur intelligent, des actrices qui sont très proches du
sublime (esthétique et jeu), et deux acteurs qui sont la quintessence de la beauté masculine dans deux genres très opposés (si l'on oublie Clooney, Depp et Pitt bien sûr).
Imaginons, juste un instant, que le film que vous allez voir se fiche totalement de ce que vous allez ressentir à la fin de la projection, pour tenter au contraire d'analyser des situations en restant le plus impartial possible.
Imaginons enfin que la morale du film se rapproche furieusement de ce qui se passe tout les jours dans la vraie vie, même si c'est un film américain ?
Vous avez l'eau à la bouche ?
Vous pouvez !
C'est sans doute l'un des meilleurs films sur les rapports hommes / femmes qui ait jamais été tourné.
Très loin des bluettes pour trentenaire françaises actuelles, très loin des essais américains comme "Quand Harry rencontre Sally".
Pour une simple raison, il n'essaye pas de travestir la réalité, et elle est d'autant glauque qu'inhumaine, presque imbuvable. Ce film est la mort du romantisme rêvé par des millions d'occidentaux, et jamais vécu face aux rapports de pouvoir, aux concessions de survie, à la lâcheté et aux mensonges des uns et des autres. Sans parler des contradictions psychologiques du sexe faible pour assumer le nouveau rôle féminin dans notre société, et l'abrutissement testostéronnal du nouveau mâle qui profite par force et manipulation de la perte de repère des nouveaux romantiques masculins totalement à la ramasse, socialement comme sexuellement.
Il y a heureusement plusieurs niveaux de lectures, ce qui fait que tout le monde avait l'air d'avoir vu un film différent, plus ou moins léger et digeste.
Au chapitre des qualités, il faut imaginer un film français qui aurait les qualités techniques et un script venus d'Amérique, c'est à dire pas le côté cynique ou original des indés US, pas la lourdeur comique ou dramatique d'Hollywood, mais l'essai de réflexion d'un cinéma d'auteur, avec la patte du divertissement et du rythme, bref, passionnant sans ennui soit-disant intello à la Godard.
Photo toujours nette, sans trop d'esthétisme pour ne pas dénaturer le propos et ne pas s'attacher aux acteurs ou actrices, sans trop d'effets pour garder une part d'étude clinique au scalpel, mais cependant belle.
Narration presque originale, acteurs plus que parfaits (sûrement dirigés d'une main de fer), en VO, la voix de Clive Owen est impressionnante. Et Portman est plus belle et naturelle que jamais, tandis que la fragilité de Jude touche aux limites de l'acteur, magnifique.
Au chapitre des défauts, envoyez-moi vos mails !
Heureusement, les trois quarts du film sont un tout petit peu comique, du moins pour des adultes. Ce qui fait passer la pilule, mais elle reste amère. Ce qu'on a souvent envie d'oublier ou de ne pas voir, vous allez le prendre dans la figure pendant 1h30. Bon courage, mais ne fuyez pas, ça en vaut la peine.
Bref, un Houellebeq américain, Harel et Woody Allen peuvent aller se rhabiller.