Un très beau film un peu Ken Loach, social... Mais qui s'éloigne du film réaliste grâce à l'énigmatique et magnifique personnage d'Alila, très bien interprétée, qui renvoie au théâtre au personnage de Nora dans "La Maison de Poupée" d'Ibsen, d'abord barbie soumise puis, soudain, étrangement émancipée: dans la scène ou elle quitte son tout aussi mystérieux amant, elle enlève sa perruque, et du même coup son statut de poupée. Son visage change radicalement.
La flic harpie incarne le malaise d'une société sûre de ses valeurs mais qui peine à trouver sa place.
Sûre de ses valeurs, comme Ezra, père touchant mais à la fois trop extrémiste pour le spectateur. On hésite : victime de la libéralisation des moeurs qui lui a pris son fils, personnage pathétique car subissant l'échec conjugal et familial ? Ou symbole de l'authorité paternelle excessivement rigide, homme dépourvu de sentiments ayant plus d'amour pour la nation que pour son fils ?
Le thème majeur traité par Amos Gitai est peut-être celui de la promiscuité dans la société israëlienne. Promiscuité matérielle, évidemment, avec ce film dont le fil conducteur n'est pas un personnage mais un bâtiment. La promiscuité et aussi le manque d'espace sont d'ailleurs suggérés par un récurrent travelling latéral filmant le mur. Mais promiscuité culturelle et identitaire également, si on peut employer ce terme. En tout cas manque d'espace, difficulté de s'installer, de se situer, de vivre en liberté, de s'exprimer, d'accepter l'autre. Chacun a ses problème, chacun est différent, mais tout le monde cohabite, et la lutte permanente que cela représente est aussi la source de lémotion que suscitent ces personnages, qui livrent au quotidien la bataille de la vie. Au final, une belle tranche de vie avec vue sur Tel-Aviv.