La traduction française du titre de la version de 1968 par Donald Siegel, comme c’est souvent le cas, n’est pas seulement inexacte, mais saugrenue. Le titre original était « The Killers ». Or, « A Bout Portant » n’évoque rien du tout dans le film. Premièrement, personne n’est tué de cette façon, deuxièmement il ne résume pas le mystère que représentait le fait de payer grassement deux professionnels pour éliminer un homme apparemment ordinaire, insignifiant. Une étude comparative des trois adaptations à l’écran de la nouvelle d’Hemingway s’impose. La 2ème version, en 59, par Tarkowski, respecte plus rigoureusement la nouvelle. Quoique sous la forme d’un court-métrage, elle révèle des choix techniques audacieux qui donnent un avant-goût du talent que montrera par la suite le cinéaste russe. La 3ème version, celle de Don Siegel est très intéressante de par les plans très décalés, voire renversés, ainsi que d’une instillation très réussie de l’autodérision dans les répliques et la gestuelle. Les acteurs principaux, Marvin, Cassavetes, Dickinson, et Reagan semblent exploités de manière plus flamboyante par Siegel que Lancaster et Gardner qui semblent être « bridés » par Siodmak. La performance de Ronald Reagan permet d’ailleurs de démentir la rumeur stupidement répandue en France selon laquelle il aurait été un acteur médiocre. Quoique plus conformiste en apparence dans le choix de ses plans, la 1ère version, celle de 47, semble cependant la plus accomplie. Le jeu des ombres et des lumières que développe Siodmak est un creuset d’idées pour les apprentis cinéastes. En outre, le réalisateur allemand évite l’effet de monotonie que procure une narration surtout basée sur le flash-back. Contrairement à l’américain qui replace l’action au moment où on l’a quittée avant le flash-back, Siodmak la replace plus judicieusement à moment postérieur faisant ainsi avancer plus vite l’intrigue. Mais, qu’elle que soit la version choisie, le plaisir cinéphilique est garantie.