Maria Callas. Maria Callas /Médée, Maria Callas dont c'est la seule apparition à l'écran, pour un rôle (à peine) parlé -et ce n'est même pas sa voix qu'on entend! le film de Pier Paolo Pasolini a été postsynchronisé, mais pas avec elle.
Callas qui joue Médée ou Callas qui joue Maria? Médée qui abandonne son pays pour un pays étranger où elle a perdu tous ses pouvoirs magiques. Maria qui abandonne son pays, le pays du lyrique pour celui du fric et du pipeule, où elle a perdu son pouvoir magique: sa voix.
Donc, elle est là, c'est tout. Et qu'elle est belle. Peut on imaginer qu'elle avait quarante cinq ans? Elle était sublime.
A part cela, qui dire du film de Pasolini? Il est d'une beauté stupéfiante. Devant ces images, ces paysages inimaginables -la cité troglodyte d'Anatolie, on ne peut y croire. C'est un monde fantastique, inventé par un créateur d'univers..... Eh bien si, il existe. En même temps, je crois qu'à sa sortie le film n'a eu qu'un accueil mitigé, et certains ont pu y voir un péplum bouffi de prétention, et sans fondement, alors que d'autres criaient au génie, et sans doute aucun des deux n'avaient complètement tort.
Pour décrire les Barbares de Colchidie, Pasolini a fait appel à tous les folklores du monde. Amérindiens ou Mongols, ethnies montagnardes du Sud-est asiatique ou tribus africaines, tous les ornements, les bijoux, les coiffes, tout ce que les Arts premiers ont pu inventer de plus sublime est réuni là.... Des musiques sauvages interprétées par des instruments fous rythment l'action. En montant par ces escaliers grossièrement creusés dans la roche, entre ces trous, ces grottes qui sont des habitations, on arrive au sanctuaire où trône la tête majestueuse de ce bélier énorme à la toison d'or..... dont Médée est la prêtresse.
Le film commence par un sacrifice humain d'une parfaite sauvagerie. Un jeune homme, sans doute un peu débile, est crucifié, étranglé, démembré, tous les villageois viennent tremper leurs mains dans le sang, prennent des morceaux de viscères pour aller en frotter leurs champs, leurs épis, leurs arbres.... Grâce à cette mort, le grain nouveau pourra renaître....
Médée s'enfuit avec Jason. Elle tue et démembre son jeune frère Absyrtos, qui l'a aidé à fuir, pour que ses poursuivants s'arrêtent afin de recueillir les restes de l'héritier de Colchidie. Les fuyards sont recueillis par Créon, roi de Corinthe. Jason, las de Médée qui lui a donné deux enfants, souhaite la répudier pour épouser Glaucé, fille de Créon. La magicienne feint de se résigner, offre à sa nouvelle "amie" une robe -une robe magique, celle qu'elle portait au moment de sa fuite avec Jason, qui sur le corps de la malheureuse prend feu.... entraînant Créon dans la mort; Médée parachève son oeuvre en tuant les deux fils que Jason lui a donnés. Peut on imaginer plus abominable personnage? La Callas lui prête pourtant une humanité, une tristesse, une tendresse aussi envers les deux petits garçons qui en font une femme comme tout le monde, une femme écrasée par son don de sorcellerie....
Les costumes ensoleillés des femmes de Corinthe, dans des tonalités blanc et orange, sont aussi magnifiques que ceux des Barbares. Les immenses paysages marins sous un soleil déclinant à l'horizon sont inoubliables. Par contre, je ne suis pas convaincue par Chiron, le centaure qui se présente sous deux formes, le jeune (sur deux pattes??) et le vieux (sur quatre pattes??); Laurent Terzieff dans sa culotte de fourrure prête plus à rire qu'à écouter l'enseignement du vieux sage.
Bref, c'est souvent pas très compréhensible -mais c'est sublime. Le Balzac nous a passé une copie très bien restaurée et complétée, un dimanche à 11 heures..... Mais si vous ne l'avez pas vu, vous pouvez toujours acheter le dvd. Pour Maria, et pour Pasolini.