(...) En effet, "Alexandre" est un pur film de son auteur, malgré le budget colossal et les multiples ramifications d'une production gigantesque qui a multiplié les investisseurs venant de divers pays (Pays-Bas, Angleterre, USA, France et Allemagne). Même si le film est sorti dans une version tronquée de 2h40, c'est la vision complète et totale de Stone. Une vision qui se veut donc provocatrice, questionnant nos fondamentaux mais aussi ré-interprétant certains épisodes clés de l'histoire de cet homme devenue une légende. S'appuyant sur la vision de l'historien Robin Lane Fox, le cinéaste et ses scénaristes, Christopher Kyle et Laeta Kalogridis, livrent une version modernisée et plus décomplexée de sa vie : ainsi, on n'hésite pas à clairement évoqué une relation à la limite de l'inceste entre Alexandre et sa mère, une provocation presque trop puérile et facile à mon goût, tandis que sa bisexualité est elle aussi clairement montrée via sa relation avec Héphaïstion. Stone pratique également l'ellipse, survolant certains passages de la campagne guerrière d'Alexandre en les évoquant simplement via une voix off, celle du narrateur Ptolémée, et il est bien obligé de passer par les inévitables raccourcis narratifs, mixant deux événements en un seul comme par exemple la bataille contre Darius, ou bien la mutinerie d'une partie de ses troupes. (...) Ici, ça sent toute l'importance accordée par Oliver Stone dans cette adaptation. Dès les premières images, il impose un univers visuel fort, avec des décors riches et luxueux, une image sublime (merci à Rodrigo Prieto, un des meilleurs directeurs de la photographie au monde), une attention portée aux détails. Il sait qu'il s'attaque à un mythe et il a envie de lui donner le plus bel écrin possible. Au niveau de son découpage, Stone reste dans son style direct avec, comme souvent, un montage heurté, parfois abstrait, qui exprime, grâce un insert, les émotions et les pensées du personnage. Il sait aussi se calmer par instants et cela donne quelques scènes très délicates. Il faut le voir filmer avec soin et grandiloquence l'arrivée d'Alexandre et de ses troupes dans la cité de Babylone. (...) L'acteur n'est clairement pas bon dans le rôle. Sa fausse chevelure blonde associée à une tête de gamin insupportable qui fronce les sourcils comme un enfant gâté nuit fortement à l'ensemble. Malgré son talent, il s'avère parfois insupportable, souvent à côté de la plaque et il se fait surtout bouffer dans chaque scène où apparaît Angelina Jolie et/ou Val Kilmer. Ensuite, le film empile les scènes de dialogues un peu trop redondantes qui se perdent en discussions interminables sur des sujets certes intéressants mais qui ne sont finalement que survolés. Il y a pourtant de multiples thématiques et problématiques évoquées dans le film, comme la xénophobie, la politique et le difficile exercice du pouvoir, la jalousie, la manipulation, la paranoïa, la fidélité (amoureuse, philosophique, amicale) bref, c'est passionnant mais ça se réduit trop souvent à un découpage inepte et des postures trop rigides. Les discussions à n'en plus finir entre Alexandre et sa mère sont à ce titre parmi les plus rébarbatives et les plus répétitives. Malgré quelques fulgurances, Stone n'arrive jamais à les sublimer ou à les rendre palpitantes. C'est plat et ça ressemble plus à du théâtre filmé qu'à du vrai cinéma. (...) La critique complète ici