Après le grand échec critique de Batman & Robin et l’annulation du troisième film prévu par Joel Schumacher, il semble clair que le public souhaite renouer avec noirceur des comics. Envisageant un instant une adaptation de la série animée Batman la Relève, ce sont finalement les comics Batman The Man Who Falls, Batman Année Un et Batman Un Long Halloween qui serviront d’inspiration à la Warner pour le reboot des aventures de l’homme chauve-souris. Celui-ci arrive pas moins de huit ans plus tard sous l’objectif de Christopher Nolan (Following, Memento, Insomnia) qui, pour son quatrième film, souhaite revisiter le mythe de Batman avec davantage d’humanité et de réalisme tout en maintenant une forte dimension dramatique. Revenant aux origines de Bruce Wayne alors incarné par Christian Bale (Equilibrium, The Machinist, Le Nouveau Monde), il dépeint son enfance entre jeux avec son amie Rachel et développement d’une phobie à l’égard des chauves-souris après être tombé dans un puits.
« La colère décuple ta puissance mais si tu la laisses te dominer, elle va te détruire. »
Nolan reste plus proche des comics avec le meurtre de ses parents par Joe Chill, dont la libération sur condition de témoignage quatorze ans plus tard amène Bruce alors jeune adulte à développer son esprit de vengeance en envisageant de l’assassiner. Mais le procès du mafieux Carmine Falcone, interprété par Tom Wilkinson, n’est que le début d’une nouvelle étape tandis que ce dernier lui affirme que le vrai pouvoir réside dans la crainte que l’on inspire. La narration alterne alors efficacement les scènes montrant son passé avec son entraînement aux arts martiaux auprès de la Ligue des Ombres, secte de guerriers ninjas dirigée par un Ra’s Al Ghul vieillissant sous les traits de Ken Watanabe. Un pan de la vie du futur justicier terriblement intéressant dans le sens où, pour faire face à son traumatisme, il tente de comprendre le fonctionnement du monde criminel afin de mieux le combattre.
« Un justicier n’est qu’un homme égaré dans une course effrénée vers son autosatisfaction. »
Interprété par un Liam Neeson (Les Misérables, La Menace Fantôme, Kingdom of Heaven) en grande forme, son mentor Henri Ducard lui permet de perfectionner ses techniques de combat, son camouflage et la domination de ses propres peurs. Mais c’est suite à un désaccord sur la vision de la justice qu’il délaisse finalement la ligue pour mieux reprendre le contrôle de Wayne Enterprises une fois de retour à Gotham. Pour élaborer la batcave à partir du sous-sol de son manoir, il est épaulé par son majordome Alfred, brillamment incarné par un Michael Caine (Noël chez les Muppets, Austin Powers dans Goldmember) auréolé de plusieurs années d’expérience. Pour lui venir en aide, il peut aussi compter sur Lucius Fox, interprété par un Morgan Freeman (Bruce Tout-Puissant, Million Dollar Baby, Danny the Dog) qui ne cesse de multiplier les rôles au cinéma.
Bien plus abouti que dans les précédents films, James Gordon comme simple sergent de police sous les traits d’un Gary Oldman (Le Cinquième Élément, Hannibal, Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban) convaincant. Personnage-clé du scénario pour sa proximité avec Bruce, Rachel réapparaît adulte en commençant par blâmer ce dernier pour ses intentions de vengeance. Jouée par Katie Holmes (Go, Phone Game, Des Étoiles Plein les Yeux), elle rejoint le bureau du procureur afin d’enquêter sur les activités de Falcone. Prenant l’allure d’un Batman plus classique, le scénario n’en finit cependant pas de surprendre avec l’apparition du docteur
Jonathan Crane
, psychiatre à la prison de Gotham. Incarné par un Cillian Murphy (28 Jours Plus Tard, La Jeune-Fille à la Perle) qui a totalement la tête de l’emploi, il ne tarde pas à révéler
son terrible gaz sous les traits de l’Épouvantail
.
« Pourquoi tombons-nous, Monsieur ? C’est pour mieux apprendre à nous relever. »
Simplement coiffé d’un masque en toile de jute
, il peine cependant à convaincre à cause de son absence de costume, de l’étrange cheval noir avec lequel il se déplace et de son entrée en matière à la réalisation très discutable. Sous-exploité dans ses interactions avec Batman, les scènes qui le concernent et
l’effet de son gaz
se montrent plutôt limités, mais sa présence reste pertinente au regard de la suite du scénario. Car si Liam Neeson signe là un de ses plus grands rôles, c’est bien parce qu’il incarne en réalité
le véritable Ra’s Al Ghul, sa double identité effectuant
alors un parallèle intéressant avec celle de Bruce Wayne. La dualité entre les deux hommes marque alors durablement les temps forts du film, terminant de forger l’identité d’un Batman qui gagne en identité et en légitimité, appuyée par sa voix rendue bien plus grave ainsi que par une batmobile très moderne ressemblant à un tank.
« Qui que l'on soit au fond de nous, nous ne sommes jugés que d'après nos actes. »
Fortement modernisé depuis le capharnaüm de la fin des années 1990, Batman Begins s’impose comme un film de super-héros épique, une véritable réussite rendant à Batman ses lettres de noblesse. En s’attaquant au passé de Bruce Wayne pour mieux approfondir la psychologie du personnage, Christopher Nolan réussis son pari et parvient à apporter sa vision du chevalier noir avec maestria. Les mélodies intenses composées par James Newton Howard (habitué aux films de M. Night Shyamalan) et par l’illustre Hans Zimmer renforcent alors l’identité de l’homme chauve-souris par la gravité de ses timbres. Son partenariat avec Gordon alors promu inspecteur est fortement symbolisé par leur échange verbal lourd de sens (« Je ne vous ai jamais dit merci. », « Et vous n’aurez jamais à le faire. ») tandis que ce dernier tease la suite des événements pour ce qui sera un des films Batman les plus riches de l’histoire du cinéma.