Il faut je pense recevoir une initiation pour apprécier ce film à sa juste valeur, ce qui ne fut pas mon cas. Adepte des films de Melville, celui-là, un de ses premiers, m'a laissé perplexe. Cette bande de jeune, dirigée par un frère et une sœur autoritaire, légèrement désœuvrée mais pas sans moyens, poursuit une existence facile, faite de discussions, de manipulations et de quête de sens. La lecture du livre devrait je pense aider à apprécier le film. C'est ce que je recommande.
La conjugaison de deux talents comme ceux de Cocteau et Melville produit bien évidemment des choses intéressantes. Le cinéaste parvient, par ses cadrages ou son utilisation de la lumière et de la musique, à donner une vraie force à ses décors et à son histoire, en particulier dans sa tragique dernière partie . Le film souffre néanmoins de deux défauts importants, à commencer par une interprêtation franchement bancale qui peine à faire en sorte que spectateur s'intéresse aux personnages, que je trouve dans l'ensemble assez horripilants. Mais le gros problème de film est dans sa nature même, que l'on pourrait qualifier de cinéma littéraire (voix off qui reprend des passages du roman, théâtralité marquée de l'interprêtation avec des acteurs regardant fixement la caméra et déclamant leur texte avec un air à la fois passif et pénétré). Procédé que j'ai toujours trouvé peu interessant cinématographiquement.
Le parti-pris de donner à voir des acteurs qui semblent être au théâtre peut agacer : s'il reflète les jeux des enfants (qui n'en ont plus trop le physique) et que les rappels au théâtre sont constants, par toute sorte de biais, le spectateur n'y adhère pas toujours. Pourtant, l'histoire est passionnante, même si un peu longue parfois. On en vient à détester le personnage de la sœur, Elisabeth. Leurs jeux sont cruels, sans merci, et étonnamment enfantins par moment. Les thèmes brassés ne sont pas non plus anodins : Cocteau ayant demandé à Melville d'adapter son roman, on retrouve l'amour, la mort, l'inceste, l'homosexualité. C'est une œuvre foncièrement tragique, transgressive, magnifiquement portée par la musique de Vivaldi.
Le thème, le scénario est très inté pense aussi à la supercherie à propos de la lettre avec la roublardise de la sœur . Malheureusement on à l'impression d'avoir là le film d'un débutant qui en plus semble avoir pris les premiers venus sans faire de castine. Ce qui surprend surtout c'est que les ados de 16 ont l'air d'avoir la trentaine !!!. Nicole Stéphane qui joue le rôle de l'ado "Élisabeth" à 27 ans! mais excellente actrice. On peut dire qu'elle sauve le film dont elle est d'ailleurs le fil conducteur. La voix off de Cocteau très pénible. Film à voir pour ce coté "film de Cocteau" et non pour "film" de Melville qui lui, 15 ans plus tard saura nous faire plaisir . Je pense que Melville qui n'avait que 30 ans s'est laissé influencé par Cocteau qui en avait 60 et était une star de l'époque .
Les deux premiers tiers du film sont insupportables : verbeux, pretentieux... Les acteurs jouant le frere et la soeur ados ne sont pas credible 1 seconde : ni physiquement (ils ont en realite 25/27 ans), ni via ces disputes-reconciliations intempestives, cet amour exclusif- convulsif-agressif... On est dans le pur exercice de style. Rien d'autre.
La fin en revanche releve le niveau. On vire a la tragedie grecque et c'est fort beau... L'affreuse premiere partie est-elle censee poser le decor pour l'acte final ? Si oui, que c'est laborieux. Sinon, une discontinuite qui m'echappe...