Premier film de Paul Thomas Anderson, Hard Eight est aussi d'assez loin son plus méconnu. Ce qui peut paraître surprenant quand on sait qu'on a pourtant droit ici à un casting costaud (Philip Baker Hall, John , Gwyneth Paltrow, Samuel L. Jackson et même Phillip Seymour Hoffmann dans un délicieux caméo, rien que ça !), à une atmosphère casino délicieuse, et à une intrigue qui tiens sur ses personnages (tant par leur analyse fine que par l'excellente gestion de l'émotionnel) et sur le mystère que préserve l'un d'entre eux, pendant 1h35 (ni trop court, ni trop long), soutenue par la réalisation d'un des gars les plus encensés par la critique de la dernière quinzaine d'années. Autant d'éléments prometteurs dès une première oeuvre, ça laisse rêveur !
Et mon ressenti global est ... que j'en ressort assez déçu quand même.
Alors bien évidemment que je prend en compte que c'est un premier film, et que je ne m'attendais pas forcément à quelque chose du niveau des meilleurs films du réalisateur. Mais au regard de tout ce que ce film, pourtant sans prétentions sur son début, c'est mis à promettre de plus en plus à chaque nouvelle minute, et vis à vis de son potentiel global, et malgré le fait qu'il y ait énormément de choses excellentes tout de même, le film trébuche et laisse un sentiment vraiment mitigé à son spectateur à cause pourtant de presque rien. Des broutilles qui n'apparaissent que très furtivement dans la dernière partie du film et qui ont pourtant raison de ce dernier. Pour reprendre la métaphore du casino, on peut dire que le film a misé juste le chouilla de trop au jeu des espérances pour repartir bredouille. Et c'est bien dommage.
Car la réalisation était déjà magnifiquement réussie et inspirée, virtuose même par moment. Car le montage (excepté sur son ultime scène, j'ai horreur des fin charcutées au générique) était de très grande qualité. Car les acteurs, sans pour autant obtenir le rôle de leur vie (quoi que, dans le cas de Philip Baker Hall, qui est juste parfait dans cet excellent rôle, ça doit quand même faire partie de ces meilleures performances) jouaient vraiment très bien. Car la musique, même si on ne la retiendra pas une fois le métrage achevé, accompagne ce dernier toujours comme il se doit. Car les dialogues étaient bons, et que le film baignait dans une ambiance située quelque part entre celle des Scorsese et des Tarantino (du moins, durant sa première moitié) qui lui allait à ravir, ...
En résumé, car sur un plan purement technique, il n'était pas loin d'être irréprochable ... voire même d'être parfait !
Mais c'est sur le plan narratif que ça foire. Et c'est con que ça l'ait fait, car ça ne se joue vraiment à rien (et ça survient sur un laps de temps vraiment très court), mais juste assez pour lui ruiner le statut de très bon film qu'il avait jusqu'alors et le reléguer à celui de curiosité qui se laisse regarder, sans plus, laissant une désagréable impression de "Tout ça pour ça ?!" combinée à une autre de "Pourquoi ?!". En résumé, ça en devient vraiment frustrant de voir que ça part en fumée !
Ces fêlures qui ont finit par briser le vase de l'excellence dans lequel il s'apprêtait à être rangé sont son rythme et son scénario. Et, histoire d'accentuer la frustration encore plus, ce n'est qu'une partie de ces derniers qui foirent, car ils étaient sinon parfaitement maîtrisés !
Le vrai problème du film est qu'il met en place un mystère autour de son personnage principal, qu'il entretient à la perfection pendant la 1ère moitié du film, avant de l'oublier totalement pendant un bon bout de temps dans sa deuxième moitié (et c'est à partir de là que le rythme du film en prend un sacré coup, l'intérêt chutant de manière exponentielle alors qu'il était pourtant à son zénith durant les 50 premières minutes), avant d'y revenir brutalement en en dévoilant la clé par une révélation décevante, d'autant plus qu'elle ne sera jamais approfondie une seconde et qu'elle tire une balle dans le pied de la cohérence des personnages du film, puis de nous mener à 100 à l'heure vers une résolution prévisible, plate, et vide de sens et surtout de toute émotion (alors que le film était pourtant excellent de ce point de vue là jusqu'alors).
La scène finale est la représentation parfaite à elle seule des conséquences néfastes que ces tout petits points noirs, qui auraient franchement pu être aisément évitées, provoquent sur la 2ème moitié du film : elle est inutile, incompréhensible (notamment puisqu'on ne nous aura jamais que donné la solution du mystère sans jamais l'expliquer), rushée connement et brutalement sans que cela est le moindre intérêt de le faire, et surtout incohérente (c'est un véritable pied de nez incompréhensible à la scène qui avait juste précédée, qui aurait pu clore le film là encore pas de manière géniale mais au moins sans en rajouter niveau incohérences, voire même au reste du film).
Bref, comme quoi, sur l'aspect narratif d'un film, un rien peut faire vaciller le tout en un rien de temps, et peser au final très lourd sur la qualité globale de l'oeuvre.
Hard Eight, qui reste toutefois d'une certaine qualité, en est la preuve parfaite, tant il aurait pu être bien meilleur avec ces minuscules failles colmatées (et franchement, il y avait largement moyen de les réparer). Une première oeuvre intéressante à regarder, mais pour laquelle on comprend qu'elle soit tombée dans l'oubli, et des films d'Anderson que j'ai vu pour l'instant, il est très clairement le moins bon du lot. Jusqu'au dernier tiers du film, on était pourtant vraiment pas loin de l'excellence d'un Boogie Nights, de la virtuosité d'un Magnolia, ou du grandiose d'un There Will Be Blood
Ma Note : 12/20