L'atmosphère durant ce film est souvent insoutenable. Il y est question de terreur : deux jeunes voyous terrorisent les passagers d'un wagon de métro à une heure avancée de la nuit. C'est un peu comme si l'on avait un échantillon représentatif de la population et que l'on procédait à une expérience psychosociologique. Un groupe confronté à deux êtres débridés, sans inhibition ni corporelle, ni motrice, ni verbale. Ces deux psychopathes vont sadiser tout à tour chacun des voyageurs successivement et un peu comme dans le film "La haine", c'est comme si chacun se disait "jusqu'ici tout va bien", c'est-à-dire "tant qu'ils ne s'adressent pas à moi, je ne vais pas me faire remarquer". Ce qui donne de l'aplomb, c'est le verbe haut, qui interpelle directement et de près. La caméra filme le visage des agresseurs souvent de très près. Le génie du psychopathe, c'est qu'il n'a pas accès à la culpabilité pour lui-même, mais qu'il saisit exactement ce qui fait mal chez l'autre. Le génie de ces deux crapules, c'est qu'elles procèdent à l'humiliation méthodique de chaque voyageur. Les menaces et harangues fusent, les provocations sont très frontales, mais curieusement aucune violence physique de leur part n'est exercée, sinon la contention, l'étranglement, mais aucun coup n'est administré par eux. C'est un bon enseignement sur la barbarie, sur comment installer un régime autoritaire. Toutes les tensions des couples ou les dilemmes internes des voyageurs solitaires sont exploités par ces deux-là, qui retiennent en otages un wagon entier de voyageurs, sans qu'un mouvement de solidarité ne puisse se mettre en place. Le métro fait partie des "transports en commun", mais avec d'habiles manipulateurs, la communauté n'existe pas, les individus ne font plus partie d'une société. La hargne des deux compères convoque les rancoeurs de chacun et tout élan de courage individuel se réduit à une initiative solitaire et se voit comme telle réduite à néant. Lorsque à la fin du film, les voyageurs quittent le wagon, on a l'impression que Michel Gondry s'est inspiré de cette scène lorsque les étudiants descendent du bus dans "The we and the I". Qu'est-ce qui fait lien social finalement, sur quoi repose le fragile équilibre de la démocratie ? Eh bien, sur le fait de ne pas confier les rênes du pouvoir à n'importe quel(le) illuminé(e), qui prétendrait avoir des solutions musclées, voire la solution finale. La pulsion de mort existe chez chacun d'entre nous. Ne favorisons pas la déliaison, le déchainement pulsionnel, telle pourrait être énoncée la morale de ce film.