Deux ans après l' honnête mais peu marquant « Tailleur de Panama » (avec Pierce Brosnan et Geoffrey Rush), John Boorman revient avec un film au sujet fort : « In my country ». L'histoire qu'aborde ce film est passionnante et n'a jamais été traité au cinéma. En 1995 fut crée la Commission de la vérité et de la réconciliation en Afrique du Sud. Cette dernière fut chargée de « recenser toutes les violations des droits de l'homme commises depuis le massacre de Sharpeville en 1960, en pleine apogée de la politique d'apartheid initiée en 1948 par le gouvernement sud-africain afin de permettre une réconciliation nationale entre les victimes et les auteurs d'exactions » (merci wikipédia). A partir de ce fait historique, il suffit de confier la direction du film à un bon réalisateur (d'accord pour Boorman), choisir des acteurs compétents (bon choix pour Samuel L. Jackson et au diable le choix bizarre de Binoche) et ça y était : on avait le film touchant qui fait pleurer tout le monde. Hélas, ce fut tout le contraire qui se passa.
Dans la multitude de défauts qu'amoncelle « In my country », le plus grave est sans doute le scénario, totalement débile. C'est à se demander comment John Boorman ne s'est pas rendue compte du simplisme de ce scénario. Car simplisme est bien le mot qui vient à l'oreille après visionnage du film. Chaque phrase prononcée dans ce film est ultra-démonstratif et démagogique : on a l'impression d'être devant une thèse sur le malheur des pov' noirs face à l'apartheid . Ce qui, il est vrai n'empêche pas un manichéisme atterrant (ah !Là !Là !, les blancs sont vraiment des ordures, mais ne vous inquiétez pas chers spectateurs blancs, pour vous donner bonne conscience, on va mettre Binoche dans le film, histoire de montrer que certains blancs étaient gentils). Une phrase prononcée par un des personnages illustre fort bien ce simplisme : « les choses ne sont ni noirs ni blanches, elles sont grises » (en substance). C'est probablement la phrase la plus originale du film (c'est dire...) mais pourquoi l'a dire, pourquoi l'a prononcer ? Elle n'apporte rien à la narration et j'ose espérer que le commun des mortels sait cela... En fait, le film est à l'image des deux personnages principaux : d'un côté, Langston Whitfield (Samuel L. Jackson) qui pensent que tous les blanc sont coupables. Ecrit au bazooka, ce rôle n'est pas crédible un seul instant et sa stupidité s'illustre dans une scène, (oh ! Combien fine!) où il compare l'apartheid à l'holocauste. De l'autre, Anna Malan (Juliette Binoche), une afrikaner binoclarde qui apparemment n'a rien à faire ici puisqu' elle se met à pleurer à chaque affaire différente. On voudrait l'aimer mais son comportement la rend risible. Ainsi, le spectateur comprendra qu'il est difficile de suivre un film où les deux héros sont si insupportables qu'on a envie de leur taper dessus (et d'étrangler tout particulièrement Binoche quand elle a fini sa 150éme crise de larmes). On aimerait juger cette affaire avec une certaine objectivité, en suivant un journaliste froid et en retrait. A la place, on a ces deux journalistes à fleur de peau, qui délivrent un déluge de scènes lacrymales et de nunucheries hollywoodiennes. Ces protagonistes sont d'autant plus ratés que dans les scènes de prétoire où les bourreaux confessent leurs fautes (scènes qui logiquement devraient être émouvantes et terrifiantes), Boorman filme la réaction, toujours ridicule des deux héros. Ce qui par conséquent ôte toute émotion à ces scènes. On est loin du comportement (subtile, lui) du personnage joué par Jessica Lange dans « Music-box » (Costa-Gavras, 1989) qui devait écouter les atrocités qu'avaient commis son père pendant la Shoah.
Il faut ajouter à cela une accumulation d'éléments symboliques qui finissent par devenir franchement gonflants ; un plan pour illustrer la tendance qu'à Boorman a mettre des symboles partout : celui où Binoche et Samuel L. Jackson se disputent devant une trainée de lumière qui représente, devinez quoi ? Une croix chrétienne. Quant à la musique, elle donne l'impression que c'est Dieu en personne qui a crée cette commission (perdu, c'est Mandela, pas trop déçu John?). A cause de cela, l'histoire d'amour se révèle doublement insupportable, d'abord parce qu'elle relève d'un cliché vu 1 milliard de fois (au moins) au cinéma, mais ensuite parce qu'elle n'est pas qu'une simple histoire d'amour mais représente l'union entre noirs et blancs. Le symbolique prend le pas sur l'humain. De plus, la mise-en-scène est inexistante. On a le droit à des paysages de cartes postales africaines avec un beau soleil, de beaux champs (très vert d'ailleurs) etc.
Qu'est-il arrivé à John Boorman ? Ses thèmes, la sauvagerie de l'homme et le mal, bien que présent ici, n'ont aucun intérêt. C'est un film simplet et simpliste où tout n'est que conventions et clichés. A la gélatine optimiste de ce film, on préfère de loin, la noirceur des chefs-d'oeuvre de Boorman : « Délivrance » (1972) et « Excalibur » (1981).