Dégoûté par les excès du capitalisme et de la mondialisation, craignant un holocauste nucléaire, un inventeur américain brillant mais têtu emmène sa famille dans les profondeurs de l’Amérique Centrale. Là, il espère recréer une civilisation utopique, à l’abri de la guerre et de la décadence. « The Mosquito Coast » fait furieusement penser sur le principe à « The Man Who Would Be King ». Sauf que dans ce dernier, Sean Connery cherchait un endroit reculé et primitif pour devenir roi sans mal et s’accaparer les richesses, avant de réellement décider de jouer les dirigeants protecteurs. Ici, c’est l’inverse. Le protagoniste part avec des intentions sincères et nobles… mais se transformera rapidement en tyran se prenant pour un dieu, croyant que le fait d’apporter la civilisation et la technologie lui confère des droits absolus et une invulnérabilité. Si Peter Weir n’est pas un manchot derrière la caméra, et que la BO électronique de Maurice Jarre a quelque chose d’envoûtant, c’est clairement Harrison Ford qui porte le film sur ses épaules. Totalement à contre-emploi, l’acteur incarne à merveille ce père de famille frénétique et charismatique, qui entraîne tout le monde dans sa folie. Son manque de modestie, ses grands talents d’ingénieur, ses idées radicales, lui permettront de créer un paradis… mais lui éclateront à la figure dès qu’il se heurtera à de vraies difficultés. Une prestation qui, sur le principe plus que dans l’exécution, n’est pas non plus sans rappeler le Klaus Kinski de « Fitzcarraldo » ! Car même avec du talent et des idées, on ne peut lutter contre le fait qu’il n’existe pas d’endroit réellement isolé sur Terre, et que Mère Nature a toujours son mot à dire ! A ce niveau, si le protagoniste se prend pour un dieu, on peut faire un parallèle amusant entre la place de la nature, et le personnage malheureusement sous-employé de Helen Mirren, d’ailleurs appelée « Mother » dans le film. Un parallèle similaire à celui du « Mother ! » de Darren Aronofsky, ce dernier l’approfondissant considérablement. Parmi les acteurs, on notera la présence de River Phoenix, dont le personnage narre l’histoire. L’adolescent talentueux est lui aussi quelques peu sous-employé, ce qui est dommage car le regard envers son père, allant de l’admiration et l’obéissance vers la rébellion et le mépris, aurait dû être au cœur du récit. Pour l’anecdote, c’est suite à cette expérience avec Harrison Ford que le jeune acteur fut choisi pour incarner Indiana Jones jeune dans le troisième volet. Il retrouvera aussi Martha Plimpton peu de temps après, dans « Running on Empty », de Sidney Lumet. Clairement imparfait, « The Mosquito Coast » a le mérite de proposer un personnage central marquant, à défaut d’être sympathique (la raison de l’échec commercial du film ?). Et il apporte des idées intéressante sur la notion de civilisation et d’utopie, même si bon nombres d’œuvres ont abordé des sujets similaires.