Passionné de cinéma et de films de genre en général, hier soir, je me suis décidé à voir enfin Vendredi 13. L'original. Le tout premier film d'horreur que j'ai vu était Les Griffes de la Nuit, et depuis le slasher est toujours resté un sous-genre auquel j'attache une grande importance. Régulièrement je commence une nouvelle saga culte, et étant donné le nombre imposant de films, il a fallu attendre jusqu'à aujourd'hui pour que je visionne enfin Vendredi 13. Et croyez moi, je suis désormais un spectateur averti.
Le visionnage de ce film culte a été une expérience vraiment stupéfiante pour moi. J'aimerais vous le raconter au cours de cette critique car c'est le meilleur reflet que je puisse donner du film. Il y aura de nombreux spoilers bien sur. Voilà donc comment ce que j'attendais de ce film a été puissamment pris à contrepied, me laissant un souvenir intense.
J'ai débuté le visionnage de Vendredi 13 en me disant que j'allais voir là l'un de ces slashers cultes, initiateur d'une longue et prolifique saga qui a marqué l'inconscient collectif, et dont en général ils sont l'opus le plus abouti. Le premier meurtre et sa vision subjective, avant que ne s'affiche le titre, m'a carrément mis l'eau à la bouche.
Et puis j'ai vite déchanté. Alors que l'histoire se mettait en place, je trouvais que la réalisation était assez mauvaise. Les images contenaient si peu de choses, le film semblait vide. Le meurtre de l'auto-stoppeuse est arrivé, et j'ai trouvé ça très réussi. Je me suis dit alors que malgré une réalisation vraiment au ras des pâquerettes, la force de Vendredi 13 c'était d'avoir su mettre en place des codes du genre très efficaces. Les idées de ce film devaient être son principal point fort.
J'ai continué à m'enfoncer dans l'histoire jusqu'à cette scène marquante où deux des personnages font l'amour tandis que trois autres jouent au strip-Monopoly en fumant de la marijuana. Et que, bien sur, le meurtrier commence a enchaîner crescendo les meurtres. J'ai eu comme un déclic. J'ai réalisé que le film que j'étais en train de voir n'essayait même pas de transmettre des émotions. Le vrai sujet c'était plutôt les sensations, celles provoquées par la violence, le sexe ou bien la drogue. D'ailleurs la quasi-totalité des dialogues entre les jeunes victimes n'évoquaient que ça, le sexe.
Quelques meurtres plus tard, très sensitifs dans la manière dont ils étaient filmés, je poussais un cran plus loin le raisonnement : oui ce film était bel et bien conçu pour être une expérience. A un degré physique plus qu'émotionnel, tout y était charnel.
Le moment de la "dernière fille debout" qui s'enfuyait est alors arrivé. Là à la manière précise dont la scène était tournée, comme par flashs, par images successives, par visions... J'ai commencé à avoir le sentiment que le film était conçu pour être un rêve. Il recréait une expérience rêvée.
J'ai repensé aux connaissances que j'avais des théories de Freud. Elles sont minces, mais j'ai entendu parler de ses interprétations des rêves. J'en ai retenu, sans approfondir, que les rêves sont le lieu d'expression de nos pulsions inconscientes. Et les pulsions sont des forces psychiques ancrées dans le corps, qui poussent a accomplir des actions pour les assouvir. D'où l'aspect très sensitif, très charnel du film. Tout s'est rejoint dans ma tête. Je me tenais là face a une œuvre qui traitait non pas des émotions, mais des pulsions qui les sous-tendent.
C'est à ce moment là que se dévoile Mrs. Voorhees, la tueuse depuis le début. Elle est totalement folle et nous apprend que son fils s'est noyé ici, sur les lieux, à Crystal Lake. "Et aujourd'hui, c'est son anniversaire.", sa mort sera vengée, personne n'habitera plus jamais le camp. S'en suit un combat particulièrement génial entre l'héroïne et la psychopathe, où j'ai arrêté de réfléchir pour simplement apprécier le moment culte de cinéma que j'avais sous les yeux. Comment oublié ce moment où Mrs. Voorhees parle avec la voix de son fils, répétant sans cesse : "Tue la, maman, tue la !!" ? Fort heureusement, elle finit violemment décapitée par l'héroïne, hors d'état de nuire. Décapitation, d'ailleurs, qui m'a beaucoup secoué tant je pressentais tous les enjeux pulsionnels qui la sous-tendaient.
On en arrive à la scène finale, très importante. L'héroïne se laisse paisiblement dériver dans un canoë, rescapée du massacre. La police arrive sur le bord du lac, c'est la libération. Lorsque soudain, le jeune Jason Voorhees jaillit des eaux, tout monstrueux qu'il est, pour s'emparer de la pauvre jeune fille.
A la seconde suivante, elle se réveille sur un lit d'hôpital. Moment d'intense jubilation pour moi car il semblait confirmer ma théorie du rêve. L'officier lui explique alors qu'il l'ont repêchée et que par miracle elle est toujours en vie. Lorsqu'elle lui demande ce qu'il est advenu de l'enfant il la regarde, très sceptique, répondant qu'ils n'ont pas vu d'enfant. Nouvelle confirmation pour moi, le jeune Jason Voorhees n'était qu'une image cauchemardesque. D'ailleurs en admettant qu'il soit toujours en vie, comment se pourrait-il qu'il n'ait pas vieilli durant toutes ces années ? Et qu'il soit resté strictement au même endroit au fond de son lac...
De là on peut comprendre aisément que Vendredi 13 tout entier possède un sous-texte psychanalytique. Comment allez-vous interpréter ce rêve ?? Ou devrais-je dire, ce cauchemar... Pour moi ce film parle de l'adolescence. La plupart des personnages semblent tous incarner une angoisse liée à cette période où les changements corporels et psychiques sont très importants. Et par qui se font-ils tués ? Par une mère très en colère qui les considère comme responsables de la perte de son enfant... Le symbole est assez fort. La seule survivante est celle qui traversera entièrement le cauchemar et finira par décapiter cette figure maternelle instable pour aller vivre sa vie.
Jusqu'à ce que le petit enfant au fond du lac resurgisse pour l'amener avec elle ! Nouvel ennemi, le combat n'est pas encore fini. Le film s'achève sur cette phrase : "Alors il est encore la...". Affaire à suivre...
Je pense que cette thématique rapproche encore plus Vendredi 13 des Griffes de la Nuit qu'on ne le pense. Il s'agit des mêmes idées, déclinées de deux manières différentes. Halloween est venu de Psychose, Vendredi 13 est venu d'Halloween, puis Les Griffes de la Nuit sont venues de Vendredi 13. Puis Scream est venu des Griffes de la Nuit, mais ça c'est une autre histoire...
Et pour la note, je met bien sur 5/5. Bravo maestro !! (ou ce qui s'en rapproche...)