Avec Halloween, John Carpenter intronisait le boogeyman, nouvelle figure iconique du serial killer très porté sur les meurtres avec outil tranchant, et surtout doté de cette particularité d’être (quasiment) indestructible. Poignardé, criblé de balles, défenestré, il reviendra pour de nouveaux massacres , un syndrome de la résurrection qui fera les beaux jours du cinéma d’exploitation des années 80 au même titre que celle de Freddy Krueger et donc de Jason Voorhes. Sean S. Cunningham s’est logiquement inspiré de son aîné pour bâtir la trame originelle de sa future franchise avec notamment des meurtres filmés en caméra suggestive à travers les yeux du tueur comme au début d’Halloween lors de l’assassinat de la petit sœur Meyer et son boy friend.
Mais Vendredi 13 ne fait pas preuve des mêmes velléités artistiques susceptibles de l’envoyer au rayon des grands classiques du genre. La mise en scène est des plus minimaliste, le scénario on ne peut plus simpliste, et a l’évidence le
réalisateur n’a qu’une seule idée en tête : montrer des meurtres avec une schématique bien huilée « on fornique, on s’isole, on est ado, on déguste ! ».
Car son film est très marqué des défauts propres à une grande majorité des horror movie's de l’époque, avec des cadrages chaotiques qui frôlent l’amateurisme, des plans basiques et assez répétitifs, rien de bien inventif et sans grands effets de style, le fil rouge de la mécanique des meurtres s’avérant assez vite redondant (les deux premiers intervenant d’ailleurs avant le générique).
Le budget étriqué de 500 000 dollars impliquant de drastiques économies, l’éclairage en est la première « victime » avec une lumière très discrète, mais ce qui va plutôt servir le film en apportant cette atmosphère de naturalisme, ces fameuses tonalités de faux documentaire très en vogue dans le cinéma d’exploitation de la décennie précédente. D’autant que Cunningham joue la carte de la désurbanisation en choisissant le décor rustique des cabines en bois d’un camp en pleine forêt. Une délocalisation propice a l’installation d’un climat angoissant que renforce cet isolement.
Comme autre preuve de cette filiation aux 70’s, le plan d’intro du ciel avec une lune à peine voilée rappelle le générique du crocodile de la mort de Tobe Hooper. L’ambiance générale baigne d’ailleurs dans le red neck movie dont on retrouve les clichés du bled aux allures de ville fantôme avec chient errant, la pompe à essence, le bar peuplé d’autochtones aux regards inquiets face à « l’étrangère », les avertissements prodigués sur une légende urbaine…
Le premier démarquage de Cunningham va s’opérer sur l’identité du tueur dévoilée seulement dans l’épilogue, en l’occurrence la mère revancharde du gamin handicapé mort noyé, alors qu’elle était la cuisinière du camp. Le personnage de Jason ne surgit que dans un ultime plan à « la Carrie au lac du diable », un twist ending avec lequel réalisateur et producteurs annoncent clairement la couleur : il n’est donc pas mort, et une franchise est bel et bien en train de naître!
Le Boogeyman n’apparaîtra que dans le tueur du vendredi, et ce n’est qu’au troisième opus qu’il prendra sa légendaire apparence de grand gaillard caché sous un masque de hockeyeur, histoire de briser autre chose que la glace…
Mais Cunningham va taper très fort là ou Carpenter jouait plutôt soft. Car dans Vendredi 13 on est aux antipodes de la suggestion, et quand ça fait mal, ça fait très très mal et surtout « on le voit », comme d’ailleurs quasiment jamais jusqu’alors: énucléation, égorgement, empalement, hache plantée en pleine tête…le tout filmé en gros plans! Des effets indissociables du succès du film, et que l’on doit à un grand artiste: Tom Savini, le maître es zombies (entre autre) de Romero !
Avec des effets spéciaux artisanaux à base de latex et de sang gélifié, le maquilleur va offrir un véritable spectacle grand guignolesque de gore dégoulinant, et de corps amochés, dans une exposition frontale et criante de réalisme.
Du coup Cunningham ne s’embarrasse pas dans la caractérisation des personnages. Ici pas de nounou dotée d’un instinct de survie surdéveloppé à la Laurie strode,mais juste des ados aux comportements primaires, insouciants, naïfs, voir stupides. De simples silhouettes cantonnées au statut de victimes expiatoires, de la chair à slasher.
Au passage l’occasion pour le réalisateur de nous offrir une bonne tranche de Bacon (kevin) dans une de ses toute premières apparitions.
A l’arrivée le film s’assume sans équivoque comme un bon gros schocker parfaitement calibré pour le public d’ado à qui il est destiné : de jeunes filles peu vêtues, pas farouches, des meurtres perpétrés avec du bon outillage, et bien saignants. De quoi laisser cours à nos (j’étais également ado à sa sortie) pulsions voyeuristes. Un Bis bien jouissif, sans prise de tête, tout l’intérêt résidant dans l’art et la manière dont vont être commis les meurtres suivants…et dans les formes des donzelles! C’est assurément cette singularité qui en fait sa marque de fabrique.
Avec près de 300 meurtres à son actif (vous pouvez recompter)
Jason Voorhes reste le serial killer le plus « efficace », et après 12 épisodes vendredi 13 la franchise la plus rentable du genre.
Tiens au fait, aujourd’hui c’est vendredi 13…alors, on joue ??