Plus qu’un film culte, "Vendredi 13" est devenu, au fil des années un classique du slasher movie, genre dont il est l’un des archétypes avec "Halloween" et "Les Griffes de la Nuit". Pourtant, contrairement à ses "semblables", le film s’inscrit dans une logique se voulant plus réaliste (ou, plutôt, moins fantastique) et, surtout, ne compte pas sur la puissance visuelle d’un croquemitaine iconique comme Michael Myers ou Freddy Krueger. En effet, bien qu’on ait tendance à l’oublier (malgré la piqûre de rappel de la scène d’intro culte de "Scream"), ce n’est pas le boggeyman Jason Voorhees qui massacre de l’ado en rut dans ce premier opus
mais bien sa folle de mère, Pamela Voorhees
. Et encore, ce n’est que dans le dernier acte qu’on découvre l’identité du tueur, jusque-là invisible… ce qui renforce le côté atypique de ce premier opus quand on sait que la saga évoluera de façon ultra-classique (et caricaturale) avec son tueur increvable affublé de son masque de hockeyeur et sa machette. Rien que pour ça, "Vendredi 13" vaut d’être vu. Mais ce n’est pas son seul intérêt puisque, mine de rien, il film a enfoncé le clou planté par John Carpenter avec Halloween et a posé les règles du genre slasher, qui valent, aujourd’hui encore. On retrouve, ainsi, le coin désert (ou presque) et isolé du reste de la civilisation (Crystal Lake, devenu culte depuis), les futures victimes qui sont forcément des jeunes plus intéressés par le sexe et la drogue que par le travail ou les valeurs morales (ah le puritanisme américain !), le tueur mutique qui poursuit calmement ses proies courant dans la forêt ou se cachant dans des placards où ils se font immanquablement repérés, un certain gout pour la sophistication dans les mises à morts, l’inconscience de la future victime qui ne peut pas refréner son envie de vérifier (seul évidemment et malgré le danger qui rode) quel était ce bruit qu’il a cru entendre à la cave, le cliffangher final qui annonce une suite
(ah l’inattendue sortie de Jason Voorhees du lac)
ou, encore, ses dialogues sans grand intérêt. La pérennité de ce modèle au cours des décennies en dit long sur le choc qu’a dû provoquer le film à sa sortie et force, tout de même, le respect. Le film s’autorise même une très grande idée, dont peu de slasher peuvent se targuer : son thème musical aussi flippant qu’intriguant…
et qui se révélera être une évocation des voix qu’entend le tueur ("Kill Kill Kill Kill Kill Kill Kill Kill… Ma Ma Ma Ma Ma Ma Ma Ma"), soit un incroyable indice sur l’issue du film à côté duquel on passe complètement lors du premier visionnage et qui vous poursuit longtemps après la révélation finale
! Le casting est, par ailleurs, plutôt réussi puisque, sans être transcendantal, il parvient à trouver l’équilibre entre empathie et détachement pour ses futurs "trophées de chasses". On retient Adrienne King en survivante inattendue (la plus pure, la plus chaste, la plus chiante… bien évidemment !), Robbie Morgan en auto-stoppeuse délurée, Jeanine Taylor en mono coquine et le jeune Kevin Bacon qui s’offre une mort mémorable ! A ce titre, "Vendredi 13" (et ses jeunes éphèbes aux hormones bouillonnants) s’avère être l’un des slashers les plus sexués qui soient, au point qu’on puisse s’étonner que le genre se soit censuré à ce point par la suite.
Quant à Betsy Palmer, sa prestation est, forcément mémorable (ne serait-ce qu’en raison de la surprise qu’elle provoque et de son style tellement atypique pour une tueuse psychopathe) même s’il faut bien admettre qu’elle en fait des tonnes dans le cabotinage lorsqu’elle fait parler son fils à travers elle.
De manière générale, il faut bien admettre, près de 40 ans après, que "Vendredi 13" reste très limité dans son propos et ne peut pas se targuer d’avoir atteint des cimes que les films qui ont suivi n’ont pas su égaler. Le rythme du film n’est pas toujours très maîtrisé, son esthétique dénonce, par moment, son budget limité et, aussi originales qu’elles aient pu paraître lors de sa sortie, les ficelles scénaristiques utilisées sont quand même énooormes. Pour autant, ces défauts participent, aujourd’hui plus encore qu’hier, au charme du film et contribuent à imposer une autre règle du slasher : la connivence avec un public pas vraiment dupe de ce qu’il vient voir. Les faux moments de tension, les réactions plus qu’inconséquente des jeunes ou encore les effets sonores qui accompagnent les séquences horrifiques sont autant de clins d’œil fait au public pour lui rappeler qu’il ne s’agit que d’un film et qu’il n’est, dès lors, pas interdit de prendre du recul et de s’amuser des horreurs qu’on voit à l’écran. En cela, "Vendredi 13" a su s’affranchir de l’héritage d’Halloween, qui se plaçait davantage sur le terrain du conte d’horreur très premier degré dans sa violence. Un dernier mot : la VF est particulièrement indigne mais révèle quelques petits bijoux invraisemblables, dont le summum reste le nom dont est affublé la future star de la saga Jason Vorhees, rebaptisé ici Jackie !!!