Comment les responsables de la distribution ont-ils pu mettre 3 salles parisiennes seulement à la disposition d'un tel travail ? Alors qu'il y a tellement de navets franco-français tournés en studios de 10m² qui phagocytent les places.
Entre la pub inexistante et ce fait incroyable, c'est comme si l'on voulait tuer dans l'ouf le deuxième épisode, qui je l'espère est déjà sur les rails quoiqu'il arrive.
"Akira" était un peu abrupt et ado dans ses personnages, même si l'ensemble des décors et de la bande son flirtait avec le chef d'oeuvre.
"Metropolis" était démesuré mais maîtrisé graphiquement.
"Steamboy" est proche de la simple perfection. Et c'est un travail colossal, presque sans faux pas.
C'est la première fois que l'image de synthèse est aussi bien trafiquée pour s'intégrer dans le dessin crayonné.
C'est la première fois que le dessin des personnages à peine sorti du manga traditionnel pour jeunes filles est aussi animé, souple, simple et beau. Rien à voir avec les exagérations caricaturales de Disney ou Dreamworks.
Le scénario ? Un incroyable Jules Verne neo futuriste à base de vapeur d'eau, qui, en étant traité comme parallèle au nucléaire, donne une approche amusante, honnête et intelligente, parce que poétique, de la problématique du progrès et de l'absence de réflexion des hommes.
Ou plutôt, contrairement au manichéisme hollywoodien, de l'absence de simplicité des hommes.
Un scénario où personne n'arrive à prendre le dessus sur chacun est une perle rare dans le cinéma mondial, seul Renoir ou Kusturica étaient parvenu à une telle "grisaille" en parlant de l'humanité, sans tomber dans l'existentialisme ou le déterminisme.
Ce film est un bonheur pour les yeux, adultes et enfants, une perle d'intelligence, et un très grand spectacle très minutieux, ce qui ne gâche rien.
On peut regretter l'exubérance punk d'"Akira", le merveilleux poétique de "Metropolis", le merveilleux tout court de "Chihiro", mais c'est simplement la marque d'une longue maturation de la profonde cicatrice qu'essaye encore de nous montrer le réalisateur sur la bombe atomique. Comme une image de l'absence totale de contrôle sur la folle progression de la science et du nombre de plus en plus exponentiel de Chinois qui vont y avoir accès.
Car si "Akira" était pour moi le pamphlet sur Hiroshima dédié aux Américains, les scènes de commerce d'armes de "Steamboy" font délicatement référence au péril islamique et au péril "jaune" essentiellement Chinois, ennemi héréditaire du Japon.
Une preuve de plus de l'universalité du réalisateur, doublé d'un profond attachement à sa culture.
On peut regretter l'exagération des destructions, mais ce sont justement les films d'anticipation virtuelle comme "Matrix" ou d'animation qui peuvent se le permettre, puisque c'est un jeu décalé accepté intellectuellement.
Par contre, le voir en VO sera sans doute un peu limite, puisque tout se passe en Angleterre victorienne. D'un autre côté, les cris japonais conviennent bien à l'énergie des personnages et à cet humour si particulier.
Il faut bien une critique, les fonds en peinture traditionnelle ne sont pas toujours très réussis ou bien intégrés au niveau de la perspective, mais encore une fois, ils témoignent d'un travail vraiment impressionnant.
Allez-y maintenant, ne serait-ce que pour remercier les japonais de travailler aussi durement et passionnément sur un genre si galvaudé et menacé aujourd'hui par Disney, alors que l'on peut encore surprendre en animation traditionnelle. Et de leur permettre de continuer dans cette voie.
Ce film est un diamant, qui renvoie "Jurassic Park" ou "Schrek" à leurs chères études.