Resserré sur un quatuor de quatre personnages, filmé intégralement en intérieurs (sauf une première séquence qui filme l'asphalte d'une route goudronnée), porté par une mise en scène discrète et sans effets, Sex, lies and videotape apparaît d'une facture plutôt "théâtrale".
Ce qui importe ici, c'est le texte. Un générique qui passe aussi vite que le vent, un traitement parcimonieux du filmage (à part quelques prises de vues audacieuses par-ci, par-là...), un usage économe de la musique, des acteurs au jeu sobre: tout est fait pour que nous nous concentrions sur les propos du films; sur ce qui est dit, comme sur ce qui est tu.
A travers ces quatre personnages qui ont tous un rapport complexé à la sexualité - Ann et John, mari et femme, n'ont pas fait l'amour depuis un bail, comme Ann le confie à son psy; Graham, impotent, se réfugie dans le voyeurisme en se masturbant devant les confidences sexuelles des femmes qui veulent bien lui révéler leur vie intime; Cynthia, la maîtresse de John, devient nymphomane - c'est en fait tout le portrait de l'Amérique de la fin des années 80 qui nous est peint. Il s'agit d'une Amérique sexuellement complexée à l'image de ces quatre personnages, et qui préfère se livrer aveuglément à des excès - abstinence et puritanisme d'un côté, voyeurisme et masturbation de l'autre - plûtot que de regarder sa vérité en face.
Selon cette ligne de conduite clairement déterminée, le film de Soderbergh est très bien mené. Il parvient à faire du tiraillement psychologique auquel sont soumis les différents personnages un véritable ressort de suspens - Ann va-t-elle se confier à Graham? John finira-t-il par avouer son infidélité à son épouse? Cynthia quittera-t-elle John? - tout en régalant le spectateur par des dialogues particulièrement soignés: "La dernière fois que j'étais heureuse, j'ai pris 12 kilos" dit Ann à son psy; "Les deux pires catégories de l'humanité sont les menteurs et les avocats" dit Graham à la table de son ancien "ami", John, et il se trouve que ce dernier peut aisément être rangé dans les deux catégories, ce que le spectateur sait déjà...
Si sa fin abrupte peut laisser le spectateur sur sa faim - même si elle reste séduisante ("Il pleut déjà") - le film de Soderbergh, tout en étant traversé d'un suspens psychologique particulièrement intense, a le mérite de pointer du doigt le rapport au sexe excessivement complexé d'une société qui fait le grand écart entre puritanisme et pornographie, sujet qui n'a pas perdu une ride et qui est encore aujourd'hui d'une sidérante actualité...