Une poubelle au cœur d'une cité pavillonnaire. Une poubelle dont les déchets deviennent toujours plus encombrant, débordant de leur habitacle, se répandant sur la chaussée et rampant jusqu'aux maisons luxurieuses qui les entourent. Soderbergh parle de ça, d'une plaie qui naît et se creuse au sein de la bourgeoisie américaine. Ce sont ces allées désertes où s'alignent les apparences puritaines des États-Unis qui renferment en elles la perversion. Celle du sexe, des mensonges et des vidéos.
D'entrée de jeu, puisque tout cela n'est qu'un vaste jeu, nous sommes placés en tant que compagnon intime des personnages. Nous avons un regard omniscient, qui balaie sans limites l'ensemble des secrets des habitants. Les personnages sont moins des êtres en eux-mêmes que des symboles, et Soderbergh aurait difficilement pu trouver des symboles plus classiques : Il y a la femme au foyer avec son chapelier autour du cou, qui n'éprouve aucun désir sexuel et qui passe le plus clair de son temps rongé par l'anxiété, celle de l'ennui et de la dépression. Il y a son mari, un menteur pathologique, sorte de crapule du système dont l'élégance n'a d'égale que la perversité de l'esprit. Et enfin il y a la maîtresse, cette jeune femme arty et fougueuse, qui se défend contre cette illusion de « bonnes personnes » en participant à la dégradation interne du système, comme pour souligner toute l'ironie de sa supposée bienséance.
Les demeures deviennent des lieux où les paroles ne veulent plus dire grand chose, où les ébats sexuels sont des blessures quotidiennes qu'on inflige aux autres et qu'on s'inflige à soi-même. Tout sentiment, toute passion, tout plaisir, sont proscrits, il ne reste que des actes répétitifs qui découlent d'un ennui chronique. Et ce sont finalement les secrets défendus qui rentrent dans la norme. L'aspect malsain des relations, qui se préservent de toute crise, gardant cette illusion de respectabilité mutuelle, n'est que la forme d'un quotidien devenu depuis longtemps rongé par les vices d'une société en constante régression.
L'arrivée d'un ami de fac du mari, Graham, qui a fuit tout ce qui définissait son « ancien lui » – un bourgeois sans état d'âmes – pour devenir ce type de la plus basse échelle sociale, qui ne vaut plus grand chose, va contribuer à faire éclater au grand jour les malêtres diffus. C'est à travers le sujet taboo du sexe et la manière discrète d'en parler que va s'orchestrer cette mini-implosion, qui ne changera finalement pas beaucoup de choses. Il pleut depuis toujours sur les toits de ces pavillons et il pleuvra encore un long moment avant de voir une éclaircie apparaître.
Pour un premier film c'est maîtrisé et intéressant, mais je trouve que le discours reste assez simpliste et ne marque pas véritablement les esprits. Depuis 1989 beaucoup de films sont venus aborder des thèmes similaires, s'autorisant la démonstration ironique de la décadence d'une société américaine en panne d'elle-même, Virgin Suicides et Les lois de l'attraction en tête de liste. Ces films où la sexualité et la manière de l'appréhender devient un symbole d'un malaise plus général, que Soderbergh arrive à retranscrire avec assez de talent sans pouvoir rendre au film une importance autre que celle de l'anecdotique.