«Some Came Running» (USA, 1958) de Vincente Minnelli est une inclination vers le drame et vers la mort. Tous les éléments, au rythme du quotidien, avec la plus innocente des «banalités du Mal», convergent vers une issue tragique. Et pourtant, il ressort du film des éclats, des matières qui gravent l’esprit. En premier lieu, la musique d’Elmer Bernstein, presque aussi inspirée que dans «The Man with the Golden Arm». Ensuite les acteurs : Frank Sinatra, dont le dualisme du personnage est incarné avec aisance ; Dean Martin, fascinant dans son mystère et par l’alcoolisme impassible de son personnage ; Shirley McLaine, Arthur Kennedy… La troupe d’acteurs chez Minnelli compose rarement avec autant de cohérence et de génie une tribu de personnages charismatiques. S’impose ensuite la photographie de William H. Daniels qui donne sciemment à la ville un aspect carte postale. Les jeux de lumière témoignent d’un profond goût du visible, notamment lorsque l’écrivain Dave Hirsch (Sinatra) enlace dans la cabane l’enseignante en lettre (Martha Hyer), que les visages sont reclus dans l’ombre et que ne restent perceptibles que les lèvres qui s’embrassent. De même dans la pénultième séquence, lors de la fête foraine, les lumières des jeux d’attraction, virevoltant dans l’espace noir de la ville, prêtent au lieu un sentiment ad hoc d’angoisse. Tout cela, mené par Minnelli, converge à donner corps à un scénario où un ancien GI, Dave Hirsch, écrivain peu confiant, est pris entre un amour d’esprit avec une enseignante et un amour de dépit avec une prostituée. Structure type du mélodrame. La bienheureuse délicatesse de Minnelli consiste à ne pas appuyer ce conflit, si bien que paradoxalement le film réussit à traduire le rythme d’une ville provinciale. Ce que Sirk n’a jamais réussi sans jamais vraiment le tenter (cf. «All that Heaven allows») -traduire la véritable oppression d’une communauté régionale-, Minnelli l’accomplit à merveille.