Sorti un peu de nulle part (même Burt Lancaster, son producteur, ne croyait pas au film), "Marty" raconte l'histoire d'un boucher italien habitant encore chez sa mère alors que tous ses frères et sœurs se sont mariés. A 33 ans, les gens ne cessent de lui rabâcher combien il devrait avoir honte d'être encore célibataire. Ce n'est pourtant pas faute d'essayer car il sort régulièrement avec ses amis dans l'espoir de rencontrer des filles. Mais Marty n'est pas beau. Il n'est pas spécialement laid non plus mais il est banal. Et un type banal au grand cœur, les filles ne s'y intéressent pas. Jusqu'au moment où il rencontre Clara, une institutrice vivant chez son père et fraîchement lâchée par son cavalier du soir, parti rejoindre une autre femme. Comme Marty, Clara est seule et n'est pas vraiment belle. Mais elle n'est pas moche non plus. Forcément le courant passe entre les deux mais très vite l'entourage de Marty va émettre des jugements hâtifs sur cette Clara, bouleversant les habitudes d'une mère habituée à avoir son fils auprès d'elle et d'amis aimant sortir en groupe tous les week-ends. Deuxième film de l'histoire du cinéma après "Le Poison" de Billy Wilder à cumuler l'Oscar du Meilleur Film et la Palme d'Or à Cannes, "Marty" a sans doute été surestimé au niveau de ses récompenses (4 Oscars !). Mais cela n'empêche que c'est un film touchant, racontant une histoire sans s'encombrer d'artifices. Ce qui frappe, c'est la façon dont tout a l'air très simple dans le scénario signé par Paddy Chayefsky : les dialogues, la rencontre amoureuse, le quotidien de Marty. Tout ça est abordé sans chichis, avec la volonté de sonner le plus réaliste possible sans tirer sur la corde sensible. C'est un film simple sur des gens simples. Ici, le couple est bien loin du glamour hollywoodien habituel et c'est ce qui rend le film aussi beau. On se retrouve dans un réalisme touchant avec des acteurs filmés tels qu'ils sont. Nul doute qu'Ernest Borgnine, véritable gueule et second couteau du cinéma américain (il a joué dans "La Horde Sauvage", "Les Vikings", "Les Douze Salopards" ou encore "New York 1997"), trouve là son plus beau rôle. Un rôle dans lequel il se glisse parfaitement, boucher au grand cœur rencontrant enfin l'amour en la personne d'une Betsy Blair particulièrement touchante. Pas de grands ressorts dramatiques pour ce film se déroulant en deux jours, seulement l'histoire d'une rencontre entre deux âmes solitaires faites l'une pour l'autre. Sans en faire des tonnes, le scénario se montre suffisamment bien écrit pour captiver, critiquant au passage la bêtise que peut représenter le cercle familial ou le cercle d'amis quand ses habitudes sont bouleversées. Sans prétentions, "Marty" va droit au cœur et délivre une œuvre tendre, loin de mériter toutes ses prestigieuses récompenses mais méritant amplement qu'on s'attarde dessus.