Connu notamment pour son génialissime "Que le Spectacle Commence", Bob Fosse aura pourtant bien fait un tour à Cannes cinq ans plus tôt avec "Lenny", biopic de Lenny Bruce, humoriste peu connu en France qui se battit corps et âmes contre l'injustice et l'hypocrisie et pour la liberté d'expression dans les années 60, provocateur de génie qui aura subit tous les excès.
Aussi peu connu que que son héros, "Lenny" est donc un biopic qui traverse une Amérique désenchantée dans l'atmosphère agréable, humide et contagieuse des cabarets, du jazz, des femmes, de la drogue, tout en suivant un personnage attachant et majestueusement reflété à l'écran par un Dustin Hoffman absolument sidérant, maitrisant à la quasi perfection ses regards, les tics du personnage, le tout pour voler dans l'ombre. Et loin d'être classique, la film se place dans une structure narrative quasi documentaire, loin d'être incongrue, le procédé du flash back trouve sa place pour assister à ce show sans couleurs, si ce n'est celle de la lumière. Interviews des proches de Lenny, réflexion sur son passé déconstruite, magistrale satire de la bien pensance, de l'injustice, de la guerre du viet-nam et de la fermeture d'esprit, du mode de vie américain. Filmant dans une grande mélancolie la fumée et cette semi descente aux enfers d'un réalisme absurde, filmant pratiquement la vie derrière un masque totalement ironique.
Finalement boudé par le jury de Cannes qui lui accordera uniquement le prix de la meilleure interprétation féminine, "Lenny" figure déjà parmi ses biopics marquants qui ne se limitent pas qu'à résumer le destin tragique de leur protagoniste. Une véritable science du cinéma totalement sublime... Un sketch chaud, hypnotique, et un Hoffman qui aurait bien mérité un Lenny.