"My name is... Danny". Elevé comme un chien par son "oncle" Bart, Danny a pour seule occupation de péter la gueule à des mafieux endettés. Il ne connaît rien d'autre que le monde qui l'entoure, et celui-ci se résume en trois mots : obéissance, violence, enfermement, solitude. Ça fait quatre ? Eh, je t'emmerde, ok ? T'es content, tu m'as coupé dans mon élan. Bref, jusqu'au jour où, alors qu'il commence à envisager les choses d'un oeil différent (on sent monter l'exaltant parfum de la rébellion), une opportunité se présente à lui, sous la forme d'un règlement de comptes motorisé. Seule âme encore consciente dans la voiture accidentée, Danny s'échappe mais n'a nulle part où aller. Ah si, pourquoi pas la boutique du gentil pianiste aveugle dont la rencontre l'a bouleversé jusqu'à le faire faillir dans son rôle de pitbull shaolin ? Lui et sa fille, deux êtres hors du temps au coeur généreux, vont très vite l'accepter en tant que membre de la famille. Le problème, c'est que, comme tout maître ayant perdu son chien, Bart aimerait vraiment retrouver son Danny, l'arracher à sa nouvelle vie et que tout redevienne comme avant.
Un pitch de série B conne et gentiment larmoyante, une affiche jaune criarde, Jet Li en acteur principal et, cerise sur le gâteau, Louis Leterrier en réalisateur, bref, on avait de quoi de s'attendre à du pop-corn, un divertissement aussi agréable qu'oubliable, et c'est d'ailleurs dans l'optique de voir ce genre de film que j'ai lancé "Danny the Dog". Mais surprise, il se situe au-delà du simple tue-temps passable. C'est un parti pris risqué que prennent scénaristes et réalisateur dans cette production bessonienne (une de plus) : l'idée loufoque de réunir dans une seule et même histoire comédie dramatique, polar mafieux et film d'arts-martiaux, un mélange des genres qui permet une abondance d'émotions plurielles et très différentes. On a donc une alternance d'un récit initiatique déjà vu mais touchant et, dans un pur esprit de cinéma bis, de bastons jubilatoires stylisées à la manière de Guy Ritchie, le tout façonnant un cocktail improbable et ô combien efficace. Autre surprise du film, sans doute la plus étonnante (j'aime les pléonasmes) : j'ai nommé monsieur Li, qui nous montre enfin qu'il sait faire autre chose que casser des dents dans des chorés démentielles (ce qui ne veut pas dire que dans ce film il ne casse pas des dents dans des chorés démentielles, bien au contraire). Farouche, enfantin et doté d'un capital sympathie énorme, l'artiste martial surdoué dévoile ici des talents de comédien jusqu'alors insoupçonnés. Son association, une fois de plus inattendue, avec le toujours excellent Morgan Freeman, s'avère une idée géniale à laquelle on croit jusqu'au bout. On retiendra également la prestation de Bob Hoskin dans un rôle de méchant instantanément culte (une fois de plus, on pense à Guy Ritchie et à ses films poilants sur la pègre londonienne), le genre de pourritures qu'on adore détester. Enfin, pour parfaire ce joli tableau, on a droit à une bande-son signée Massive Attack, donc autant vous dire que, passez-moi l'expression, elle pète sa mère.
Servi par une réalisation inspirée, loin de l'hystérie habituelle de Leterrier, "Danny the Dog" ne fait pas franchement dans la dentelle, mais son interprétation topissime, son émotion communicative, ses traits d'humour bien dosés et son esthétique baroque en font l'image parfaite de ce que le cinéma peut donner de mieux en matière de divertissement.