James Cameron souhaitait faire de Abyss le "films sous-marin le plus ambitieux" de l'histoire, dont l'impact pourrait être le même que celui de 2001 : l'odyssée de l'espace. 40 % du film ont ainsi été filmées sous l'eau, notamment grâce à Al Giddins, directeur de la photo des séquences sous-marines.
Sorti sur les écrans dans une version de 140 minutes, Abyss a été proposé en 1993 (en Laserdisc) dans une version Director's cut disponible par la suite en DVD. Cette version de 171 minutes, qui approfondit les personnages secondaires et les relations entre Ed Harris et Mary Elizabeth Mastrantonio, réintroduit surtout la séquence du tsunami, seule sous-intrigue susceptible d'être retirée du métrage pour la sortie-salles sans nuire à sa compréhension. Son retrait rendra toutefois la version cinéma moins claire pour le public, quelque peu rebuté par un final très SF, et occultera surtout le message premier de James Cameron, profondément pacifique et humaniste. Autre ajout notable à la version longue : un générique final de 3 minutes, le générique de 1989 ayant été mal produit (trop rapide et illisible).
Pour concrétiser sa vision, James Cameron a vu les choses en grand : ne trouvant pas de plateau immergé assez grand pour leur tournage sous-marin, le cinéaste et son équipe ont investi une central nucléaire désaffectée en Caroline du Sud, à Gaffney. Au coeur d'un réacteur inachevé, la production a ainsi construit durant 4 mois le décor de la station DeepCore (36 tonnes d'acier trempé) avant de le noyer sous 28 millions de litres d'eau (5 jours étaient nécessaires pour le remplissage). Ils ont ainsi pu obtenir un réservoir de 13 mètres de profondeur (!), nécessaire pour simuler l'impression de grands fonds. Pour renforcer cette impression et obtenir le noir absolu des grandes profondeurs, le sommet du réservoir fut recouvert d'une bâche noire -isolant le plateau de la lumière du jour- et la surface de l'eau recouverte par 7 milliards de billes noires en polypropylène. Un autre réservoir, le "Tank B", plus petit (60 mètres de long et 6 mètres de profondeur) venait compléter le dispositif. Pour ces deux réservoirs, 41,5 millions de litres d'eau non-traitée (mais filtrée avant utilisation) d'un lac voisin ont été utilisés.
L'équipe de Abyss dût faire face à des conditions de tournages éprouvantes et quelques incidents. Parmi les plus notables :la rupture du réservoir principal le 10 septembre 1988, forçant l'équipe à travailler au jour le jour dans l'attente d'un éventuel arrêt du tournage.une eau chargée d'eau de javel et de produits chimiques (décolorant les cheveux, faisant tomber les poils, provoquant des brûlures).une eau chargée en déchets humains divers (urine, mucus), l'équipe étant forcée de se soulager sous l'eau.la rupture de la bâche un soir d'orage, obligeant à tourner le reste du film de nuit.un froid glacial obligeant l'équipe à faire ses briefings de production.... dans un jacuzzi improvisé.une panne de générateur plongeant le plateau sous-marin dans le noir total, alors que toute l'équipe était au travail (sans notion des réserves d'air des uns et des autres, de la géographie des lieux, etc...).
En amont du tournage, comédiens et techniciens ont dû suivre des stages intensifs de plongée les préparant à affronter plusieurs mois de tournage sous-marin. Un tournage éprouvant, à raison de 10 heures de plongée par jour (trois fois par semaine) pour les acteurs, quelques heures supplémentaires pour les techniciens et souvent 12 à 15 heures sous l'eau au quotidien pour James Cameron. Pour les acteurs, des spécialistes durent créer des scaphandres spéciaux, avec une visière élargie permettant de voir leurs visages et des micros intégrés pour enregistrer directement les dialogues sous l'eau (le bruit des détendeurs sera supprimé en post-production). Quant à James Cameron, totalement investi dans sa mission, il mettait le temps de décompression (nécessaire avant de remonter à la surface) à profit pour visionner les rushes du jour sur un écran sous-marin, ou travailler sur le script grâce à un scénario plastifié. Il pouvait par ailleurs dirigé techniciens et acteurs grâce à un intercom sous-marin le reliant à tous les membres de l'équipe.
Les scènes sous-marines étant très longues à mettre en place, techniciens et acteurs devaient parfois patienter plusieurs heures au fond de l'eau... à ne rien faire. Une station d'approvisionnement en air avait été installée au fond du bassin pour permettre de recharger les réserves d'oxygène sans avoir à remonter à la surface. Le meilleur exemple pour illustrer les moments interminables que l'équipe vécut sous les flots est celui de la comédienne Kimberly Scott : souvent "coincée" dans son sous-marin, le temps que la scène soit en place, elle put tricoter 5 pulls durant le tournage !
Les comédiens ont réalisé l'essentiel de leurs cascades durant le tournage, même les scènes les plus délicates comme la séquence de nage en apnée de Ed Harris et Leo Burmester, ou encore la séquence qui voit Ed Harris traîner le "cadavre" de Mary Elizabeth Mastrantonio sur une grande distance. Au-delà des scènes sous-marines, les séquences émergées mirent également les acteurs à rude épreuve, comme les millions de litres d'eau qui déferlent dans la station DeepCore (et sur les acteurs) à la fin du film.
La séquence qui voit Ed Harris tenter de réanimer Mary Elizabeth Mastrantonio a été l'une des plus difficiles à tourner. Totalement investi, Ed Harris a tourné certains plans sans la comédienne (la caméra était à la place de l'actrice pour un plan en contre-plongée), en donnant l'illusion parfaite de perdre puis de retrouver sa bien-aimée. Quant à Mary Elizabeth Mastrantonio, mise à mal durant la séquence (elle devait rester allongée sur le sol glacé plusieurs heures durant à recevoir des massages cardiaques et à simuler des chocs électriques), elle a tout simplement craqué : alors qu'une prise semblait parfaire, la caméra fut à court de bobine. S'en prenant au cadreur puis à James Cameron, elle quitta le plateau comme une furie.
L'une des séquences majeures du film voit Ed Harris revêtir un scaphandre rempli de perfluocarbone, un dispositif permettant de respirer un liquide ultra-oxygéné. Si le comédien ne s'est évidemment pas prêté à l'exercice, la séquence du "rat qui respire sous l'eau" a été réalisée sans trucages. Des chercheurs de l'université de Duke ont ainsi fourni à James Cameron le matériel nécessaire, lui assurant que le procédé était non seulement viable mais également sans danger pour les animaux. Cinq rats ont donc eu le bonheur d'expérimenter le perfluocarbone, le temps de cinq prises, au grand dam des associations de défense des animaux. La séquence sera d'ailleurs coupée au Royaume-Uni, le vétérinaire royal affirmant que les rongeurs n'avaient pas pu survivre. le rat principal, Beany, mourra 3 semaines avant la sortie de Abyss
La chute de Ed Harris vers les grands fonds à la fin du film a été filmée... horizontalement, le bassin n'étant pas assez profond pour obtenir l'effet désiré : l'acteur était donc traîné sur une soixantaine de mètres pour mettre en boîte cette séquence. Autre difficulté : simuler sa respiration dans le perfluocarbone. Ed Harris devait ainsi mettre des lentilles de contact réalisées sur mesure en Italie lui permettant de voir sous l'eau, coiffer un casque rempli de liquide en amont du clap, faire semblant de respirer parfaitement au moment de la prise, et faire signe assez tôt aux plongeurs chargés de le réapprovisionner en air à la fin de celle-ci. Sur l'une des prises, le plongeur lui tendra d'ailleurs un détendeur dans le mauvais sens, manquant de provoquer la noyade de l'acteur. En rentrant chez lui, ce dernier éclatera en larmes, partagé, selon ses dires, entre sa peur et sa déception d'avoir paniqué.
Dans Abyss, les habitants des profondeurs modèlent l'eau à loisir. C'est ainsi que l'équipage de la station Deepcore se retrouve confronté à un tentacule liquide, composé d'eau de mer et imitant les visages de Ed Harris et Mary Elizabeth Mastrantonio. Pour réaliser cette séquence, mise en boîte au début du tournage pour donner assez de temps aux techniciens de ILM pour élaborer les effets visuels, les deux comédiens devaient réagir à un tuyau d'aération, effacé ensuite en post-production. Ils se sont également prêtés à une séance de scan de leur visage, afin que celui soit reproduit en "liquide". Ces effets visuels, révolutionnaires pour l'époque, ouvriront la voie au T1000 de Terminator 2 : le Jugement Dernier.
Pour les plans larges mettant en scène les ballets de sous-marins et autres véhicules submersibles, l'équipe de James Cameron filma des miniatures à l'air libre, au ralenti et en motion-control. Les images des comédiens, filmés aux commandes des appareils, furent ajoutés à l'image composite en post-production.
Cité à quatre reprises dans des catégories techniques, Abyss a remporté l'Oscar des Meilleurs effets visuels en 1990. Le film a également été salué par le Saturn Award du Meilleur réalisateur (James Cameron), et le Golden Reel Award du Meilleur son.
Pour ce projet d'envergure, James Cameron a bénéficié d'un budget imposant de 70 000 000 $, chaque jour de tournage coûtant entre 200 000 et 250 000 billets verts à la Fox. Abyss, malgré son statut de film culte, connaîtra toutefois un succès mitigé dans les salles, avec seulement 54 M$ de recettes aux Etats-Unis et 90 M$ au niveau mondial.
La séquence finale sur le vaisseau alien a été tournée en plein hiver. Afin d'éviter que la vapeur provoquée par le souffle des acteurs ne se voit à l'écran ces derniers jouaient avec des glaçons dans la bouche.
La société (fictive) Benthic Petroleum apparaît dans Abyss mais également dans Terminator 2 : le Jugement Dernier et Twister.
Le son étant inaudible sous l'eau, les coups de claps étaient donnés... en frappant le clap sur les casque des acteurs à l'image.
Pour simuler un effet travelling lors de certaines séquences sous-marines, James Cameron a utilisé un propulseur sur lequel était installé une caméra. Une invention baptisée "Sea Wasp", soit "Guêpe des Mers".
Le making-of et certaines featurettes promotionnelles du film proposent des extraits d'interviews de James Cameron réalisées... sous l'eau. Grâce au système mis en place par son équipe, le cinéaste pouvait ainsi répondre à l'interview dêpuis son scaphandre de plongée.
"Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi." ("When you look long into an abyss, the abyss also looks into you.") Cette citation de Friedrich Nietzsche était censée ouvrir le film. Réintégrée dès 1993, cette mention avait été retirée lors de la sortie en salles, un autre film (sorti en 1988) l'ayant utilisé peu de temps auparavant (La Loi criminelle de Martin Campbell).
Les décors de la station Deepcore sont toujours en place à Gaffney, en Caroline du Sud, dans le réservoir construit au coeur du réacteur d'une station nucléaire désaffectée. Pour des raisons de budget, la production ne prit pas la peine de les démonter. Des panneaux, postés tout autour, rappellent toutefois que ces décors appartiennent à la Fox et qu'il est interdit d'en prendre des clichés et de les filmer. (VOIR LES PHOTOS)
Au moment du tournage de Abyss, James Cameron et sa productrice Gale Anne Hurd étaient... en instance de divorce. Certains voient d'ailleurs la relation conflictuelle entre les personnages principaux du film, également divorcés, comme un miroir de leur relation...
"Méchant" de Abyss, Michael Biehn est un fidèle de l'univers de James Cameron. le comédien était ainsi au générique de Terminator (1984), Aliens le retour (1986), Terminator 2 : le Jugement Dernier (1991 - sa scène, coupée au montage, sera introduite dans la version longue du film) et l'attraction T2 3-D : Battle Across Time.
L'un des noyés du sous-marin n'est autre que Mike Cameron, le propre frère de James Cameron. Cascadeur de son état, il fait ici une courte apparition marquante : il a ainsi laissé un crabe (vivant) sortir de sa bouche pour les besoins de la scène.
Comme souvent sur les films de James Cameron, dont la réputation de réalisateur exigeant n'est pas usurpée, l'équipe inventa quelques blagues liées au tournage comme "The Abuse", "Son of Abyss" ou encore "Life is Abyss And Then You Dive". La productrice Gale Anne Hurd fit même faire des badges-souvenirs : "SS Abyss Survivor".
Visiblement marqué par le tournage, Ed Harris n'a jamais plongé en pleine mer. Au grand désespoir de James Cameron...