L’échec public et critique de Showgirls marque une brisure dans l’enchainement de succès qu’avait connu Paul Verhoeven jusqu’à présent aux États-Unis. Reformer l’équipe de Robocop (Verhoeven à la réalisation, Edward Neumeier, cette fois sans Michael Miner, au scénario et Basil Poledouris à la musique) pour un nouveau film de science-fiction pouvait sembler un gage de succès. Mais cela ne fut pas le cas : une fois encore, Verhoeven signa un film trop ironique envers la société américaine pour être accepté par le public et la critique locaux : il sera beaucoup mieux accueilli en France par exemple.
Ainsi, Starship troopers (adapté très librement du livre de Robert A.Heinlein, Etoiles, garde-à-vous !) présente une société humaine (les pays semblent plus ou moins inexistants), fortement inspirée de la civilisation américaine (les personnages principaux viennent de Buenos-Aires mais ne sont pas du tout typés latinos), prônant le militarisme (elle se sépare entre les civils et les citoyens qui sont plus valorisés car ils ont été à la guerre ; les publicités télévisées et les journaux, rappelant tous deux ceux de Robocop, vantent de manière caricaturale l’effort de guerre...). Ainsi, après des premières minutes parodiant le genre purement américain du film de lycée (l’intellectuelle qui aime le mauvais élève, rivalités amoureuses, thématique du premier rapport sexuel, bal de fin d’étude…), Verhoeven s’amuse à jouer avec les codes du film de guerre. Il débute ainsi avec l’entrainement militaire fortement inspiré du Full metal jacket de Kubrick (la reprise du fameux « Sir ! Yes ! Sir ! ») pour enchainer, comme dans le film précédemment cité, par des séquences de guerre (contenant la fameuse séquence de l’homme gravement blessé qui se sacrifie avec une bombe pour pouvoir sauver ses co-équipiers).
Le film porte indiscutablement la patte du cinéaste hollandais par son ironie : les personnages sont incroyablement respectueux du gouvernement et ne remettent jamais en cause la justesse de leur combat (une phrase d’un journal télévisée évoque juste le fait que certains pensent que les arachnides ne font que répondre à une tentative de colonisation des humains) : ce sont des personnes mutilées au combat qui vantent le plus l’armée ! De même, le manteau et la casquette que porte Carl une fois devenu colonel font énormément penser aux tenues nazies : Verhoeven reconnait lui-même s’être inspiré de l’iconographie du Troisième Reich et plus particulièrement de Leni Riefenstahl pour représenter cette société militaire ! Pour bien insister sur le recul qu’il porte sur cette société fascisante, Verhoeven montre également des dirigeants militaires n’hésitant pas à sacrifier volontairement une partie de leurs hommes pour s’assurer de l’emplacement de l’ennemi. Enfin, même si cela est très minime, on retrouve toujours l’attrait que possède Verhoeven pour la sexualité, avec certaines allusions à double sens (Ibanez qui fait une course pour être la première à « tenir le manche »), et son rapport très naturel et très nordique à la nudité (la séquence de la douche collective mixte faisant écho à celle des vestiaires de Robocop, toutes deux impensables de la part d’un cinéaste américain).
Cette vision très critique apparait plus dans la première partie
(la formation)
que dans la seconde
(le combat et que l’on peut faire débuter avec la mort des parents de Rico, rappelant celle des parents de Leia dans Star wars, film également inspiré par la Seconde Guerre mondiale)
, qui est contient beaucoup plus d’action (très violente, cela va sans dire de la part de Verhoeven) mais où l'ironie reste malgré tout très présente.
Les acteurs (parmi lesquels on retrouve Michael Ironside qui avait déjà joué pour Verhoeven dans Total recall) interprètent leurs personnages avec le recul nécessaire qui sera hélas parfois assimilé à du mauvais jeu : comme pour Elizabeth Berkley avec Showgirls, cela n’a peut-être pas été si bénéfique pour ces jeunes têtes d’affiche qui ne connaitront pas particulièrement de grandes carrières suite à ce film (même Denise Richards était plus célèbre pour sa plastique que pour ses films, à l’exception de Sexcrimes et du James bond Le Monde ne suffit pas). Visuellement, Verhoeven est toujours aussi à l’aise derrière sa caméra et les effets spéciaux sont extrêmement réussis, conservant toutes leurs forces vingt après. Quant à la musique de Basil Poledouris, elle est très adaptée au film mais, à l’exception de son thème principal, est moins marquante que sa composition pour Robocop.
Une fois encore, Paul Verhoeven signe une belle réussite mais celle-ci, comme son film précédant, ne fut que très moyennement comprise à sa sortie, subissant des accusations de fascisme (alors que c’est justement ce qu’il dénonce), et le poussa à s’orienter vers un film plus commercial et portant un peu moins sa marque pour son dernier film hollywoodien : Hollow man, L’Homme sans ombre.