De la rencontre entre l’un des plus grands cinéastes américains, John Ford, est l’une des plus grandes vedettes chroniques, la jeune Shirley Temple, demeure le trivial «Wee Willie Winkie» (USA, 1937). La copie teintée mise à disposition par la Fox permet de poser un regard plus édulcoré encore sur le film. Il n’y a néanmoins pas de doute que sans même les couleurs en pochoir, le film souffrirait autant de sa naïveté. Le problème auquel Ford a du se contraindre est de présenter la colonisation indienne par la Grande-Bretagne au travers du regard d’une jeune fillette. Dès lors le film s’enferre dans l’ingénuité à laquelle il s’assujettit. Et le point de vue de Ford n’est pas seul à se conjuguer au profit de la jeune Temple, la narration elle-même s’accorde aux flâneries enfantine en imbriquant les séquences entre-elles sans les bien agencer. Certes, Ford n’est pas connu pour être un fin architecte de la narration, mais «Wee Willie Winkie» appuie la donne jusqu’à parfois ne réduire les séquences qu’aux gags vacants. Ainsi, pour emblème, ce plan gratuit ou Ford dans une légère contre-plongée avance sa caméra sur le visage vociférant de Cormac McLaglen. Rien là ne sert sinon d’accentuer le granguignolesque de l’acteur. Et c’est bien la faute du film, de préférer exploiter la drôlesse marketing de ses acteurs plutôt que la singularité du terrain, l’Inde, dans le cadre de l’œuvre fordienne. Et l’inertie du film ne cesse pas là, elle poursuit sa sclérose dans le manichéisme colonialiste. Les indiens sont soumis aux rangs de colonisés, de serviteurs ou de terroristes tandis que les britanniques occupent tout l’intérêt. S’indigner du pro-colonialisme de l’œuvre revient à omettre la pensée générale de l’Occident. Mais l’utilisation qui est faite de Temple n’a pas d’excuse, l’enfant réconcilie in fine les colons et les colonisés, son personnage attendrissant s’avérant l’horrible objet d’une réconciliation qui cache, l’Histoire le prouvera, la souffrance d’un peuple.