Contrairement au « Magicien d’Oz » où, malgré ses dires et vantardises, Victor Fleming n’a la paternité d’aucune scène importante, « Capitaines courageux » est le seul grand film dont il peut légitimement réclamer la direction. Adapté d’un roman de Kipling, le scénario est découpé en quatre partie : la présentation/détestation du gamin pourri, un peu longue mais utile, la continuité à bord d’un navire de pêche où il s’attire l’agacement des hommes à bord, l’apprentissage de la vie et enfin, une forme de rédemption pour clôturer le tout. C’est évidemment cousu de fil blanc et rien dans cette histoire (sauf l’improbable sauvetage) n’est surprenant ou non prévisible. Et pourtant le cinéaste réalise un grand film. Un an de tournage, des vrais navires de pêche avec des vrais équipages, un nombre impressionnant de prises de vues des éléments maritimes (quatre vingt minutes dont à peine un cinquième seront gardés) et une course impressionnante pour l’époque car le digital n’existait pas. Les images d’Harold Rosson et les réalisations marines de James Havens (futur réalisateur de la deuxième équipe de “20 000 lieues sous les mers”, entre autres) sont magnifiques et la réalisation de Fleming est d’une précision didactique certaine. Ainsi à bord, ça sent la poiscaille, ça respire les embruns, ça tangue dur sous le vent. Cette mise en image somptueuse met en valeur une direction artistique de grande classe, Cedric Gibbons et Edwin B. Willis étant ce qui se faisait de mieux à l’époque. Mais surtout Freddie Bartholomew est absolument parfait dans ce rôle dont Fleming capte toutes les nuances. Le casting dans son ensemble est d’une qualité rare, de Melvyn Douglas, le père, à Lionel Barrymore, le capitaine inflexible, en passant par un grand John Carradine, mais aussi par un Spencer Tracy (Manuel, au grand coeur), un peu ridicule avec son look à la Groucho Marx (sans les moustaches) et un accent très peu portugais (qui reçut un Oscar à mon sens un peu usurpé). L’apprentissage de l’humanité, et des différentes péripéties, est soutenu par une musique inspirée de Franz Waxman et des chansons accompagnées par une vielle à roue, instrument qui remonte au moyen-âge français et qui servira de fil rouge. Ce grand film, même pour enfants, en glorifiant le travail et l’honnêteté, ne répond à aucune idéologie actuelle et encore moins au cynisme et nihilisme qui sont la marque critique de notre époque. Il est donc malheureusement tombé dans l’oubli.