" Tout est parti d'un article sur la fille d'un richissime artiste décédé, explique Philippe Le Guay, elle racontait sa vie quotidienne : vêtue d'un jean élimé et d' un pull trop grand, elle déjeunait dans de grands restaurants avec les avocats qui géraient sa fortune, prenait deux tomates et réglaient des additions faramineuses, puis rentrait dans son 300 mètres carrés et restait prostrée dans le noir ". Un portrait qui a littéralement fasciné le réalisateur. " Rapidement, précise-t-il, j'ai découvert qu'à travers elle, ce qui m'intéressait vraiment, c'était le rapport à l'argent, et plus que tout, la culpabilité ".
Le scénario du film Le Coût de la vie a été construit autour de six personnages centraux. Jean-François Goyet avec qui Philippe Le Guay a travaillé sur l'adaptation a oeuvré pour resserrer l'histoire, par rapport à une première version du scénario qui prévoyait deux fois plus de protagonistes. "Dès qu'on rentre dans un personnage et ses motivations, affirme le réalisateur, on perd l'argent comme problématique. Le personnage devient plus fort que le thème, un peu comme dans la vie. Il fallait donc plusieurs personnages, un peu comme dans Short Cuts de Robert Altman ou Magnolia de Paul Thomas Anderson ".
"Claude Sautet est un des rares cinéastes à avoir montré le rapport à l'argent, non pas de manière sociologique comme on l'a trop souvent dit, mais de façon plus obscure" explique Philippe Le Guay. "L'argent est au coeur des relations entre les hommes et les femmes. C'est le cas de Max et les Ferrailleurs où Romy Schneider est une prostituée, comme dans Mado". Les références au réalisateur disparu sont d'autre part accentuées par la présence de Vincent Lindon, dont Sautet avait fait le principal protagoniste de Quelques jours avec moi. "Il faut toujours qu'il y ait de l'argent quelque part, ajoute Le Guay, même hors des rapports de prostitution. Au début de Nelly et Monsieur Arnaud , Michel Serrault donne un chèque à Emmanuelle Béart"...
Pour Philippe Le Guay, "la ville de Lyon est liée à l'argent, à la gastronomie, et donc au plaisir". Le réalisateur y a donc tout naturellement situé l'action de son film, Le Coût de la vie, confiant par ailleurs le rôle d'un restaurateur trop généreux qui se ruine à force d'investir à Vincent Lindon, à propos duquel le réalisateur déclare " qu'il a la prestance physique des généreux, du côté de Gabin".
Comme pour Vincent Lindon, la présence de Fabrice Luchini s'est immédiatement imposée à Philippe Le Guay qui précise, évoquant le comédien, qu'"il a l'innocence des grands phobiques". Pour Le Coût de la vie, le réalisateur signe par ailleurs sa deuxième collaboration avec Luchini après L'Année Juliette, sorti sur les écrans en 1995.
Dans Le Coût de la vie, Philippe Le Guay a tenu à confier à Géraldine Pailhas un rôle à contre emploi, parce qu'"on lui fait toujours jouer les mères dignes et courageuses alors qu'il y a en elle une zone beaucoup plus trouble". Ici, elle incarne une call girl de luxe qui pourrait choisir de dépouiller Brett (le personnage interprété par Fabrice Luchini), mais qui devient en quelque sorte une sorte de thérapeute pour lui. Les deux névroses, du radin et de la femme vénale, vont finalement se soigner l'une l'autre.
En contrepoint des autres personnages, névrotiques dans leurs rapports à l'argent et autour desquels s'articule Le Coût de la vie, Philippe Le Guay a tenu à faire figurer "un personnage à la Ken Loach, qui nourrit l'histoire par contraste". Il s'agit d'une ouvrière licenciée (interprétée par Catherine Hosmalin) qui éclate de rire lorsque sa carte bleue est refusée."Elle est dans la vitalité, pas dans la névrose, précise le metteur en scène, sans elle, le film aurait manqué la dimension la plus élémentaire de l'argent, qui est tout simplement celle de la survie".