Pour troquer sa casquette d'acteur contre celle de réalisateur, Charles Laughton décide de commencer par l'adaptation d'un roman lui même inspiré de faits réels; cela donne La Nuit du Chasseur.
Un film qui mélange les genres, tantôt thriller lorgnant du coté de l'épouvante, tantôt comédie noire et possède quelques séquences oniriques très proche du fantastique.
C'est l'histoire de deux enfants, John et Pearl, dont leur père est condamné à la pendaison. Avant cela il leur avait demandé de cacher son butin et de n'en parler à personne. Leur mère se remarie un jour avec un pasteur, Powel. En réalité celui-ci est un ancien compagnon de cellule du père, il a appris l'existence du butin et sera prêt à tout pour s'en emparer.
Powel incarné par Robert Mitchum, est toujours représenté de manière à le rendre menaçant ( légères contre plongées ou fortes plongées, lumières n'éclairant que partiellement son visage, ombres et silhouettes inquiétantes, sa chanson annonçant son arrivée ). Le film est d'ailleurs parfois tellement terrifiant que le public visé reste ambiguë.
Il y a par moments une ambiance très enfantine ( chansons, dialogues, visuel doux, calme et rassurant ) car on suit deux enfants et leur vision du monde qui les entoure. Cette ambiance contraste donc beaucoup avec l'ambiance générale du film qui se veut sombre et inquiétante: l'arrivée du train accompagnée d'une musique brutale, l'ombre de Powel qui recouvre celle de John, le cadavre dans la rivière... ). Par ailleurs, dans les croquis initiaux du réalisateur, on peut constater que la séquence de la nuit de noce devait être plus sulfureuse, l'actrice devant être nue ( ce qui aurait fait scandale à l'époque vu que le Code Hays était toujours en vigueur ). Cette idée ne fut finalement pas appliquée dans le film.
Le film peut donc être vu aussi bien par les enfants que par les adultes, bien que ces derniers soient réellement le public visé, mais certaines scènes peuvent provoquer plus d'effroi que la plupart des sois-disant films d'horreur qui pullulent sur nos écrans. Le suspens, sans cesse renouvelé, reste jusqu'au bout du film. Et Powel, séducteur, manipulateur et moralisateur, se révèle être un excellent méchant de cinéma, un meurtrier proche de le folie prêt à tuer des enfants pour récupérer l'argent.
Il est fort probable que ce film soit une des inspirations de Stephen King ( parmi tant d'autres ), on y retrouve des éléments récurrents dans l’œuvre de l'écrivain: les enfants héros poursuivis par un croque-mitaine, des adultes faibles qui ne les aident pas ( hormis la vielle dame mais elle n'apparaît pas avant le dernier tiers du film ), un méchant qui prétend commettre ses crimes au nom de la morale ( et de la religion dans la cas présent ), etc....
Le film sera un cuisant échec, stoppant net la brève carrière de réalisateur de Laughton, et il faudra attendre près de 30 ans pour que ce film soit considéré comme le chef d’œuvre qui l'est. Alors que le film s'apprête à fêter ses 60 ans, force est de constater qu' il n'a pas pris une ride, a gardé toute sa beauté et je le recommande vivement à tout amateur de cinéma.