Un classique du 7e art qui est passé à la postérité pour avoir été l’unique film réalisé par l’une des stars de l’époque, Charles Laughton (qui n’apparaît malheureusement pas devant la caméra) mais également en raison de l’interprétation de l’inimitable Robert Mitchum. Pourtant, à l’inverse de merveilles comme "Citizen Kane" ou "12 hommes en colère", j’avoue ne pas avoir été aussi emballé que je l’aurais espérer. Pour commencer, j’ai trouvé le film particulièrement inégal dans son rythme et souvent très répétitif dans son intrigue, pour ne pas dire poussif. On ne compte plus les scènes où les enfants font face au terrible Harry Powell en refusant de lui dire où se cache le butin. Quand à la descente de la rivière en barque, elle parait interminable. Mais surtout, "La nuit du chasseur" est beaucoup trop dépendant de son acteur vedette, à tel point que les seules séquences irréprochables du film sont celles où il apparaît. Tantôt terrifiant (sa terrible chanson annonçant son arrivée, ses apparitions fantomatiques…), tantôt pathétique (sa crainte de se frotter à des hommes, son duel perdu contre Madame Cooper…), son personnage de prêcheur fou est un exemple rare de méchant tout sauf infaillible (il multiplie les échecs contre les enfants et se voit ridiculisé à la fin) mais qui parvient malgré tout à effrayer par sa folie et son jusqu’au-boutisme en dépit de ses évidentes limites. Le charisme animal de Robert Mitchum et ses terribles tatouages (LOVE et HATE) ont fini de faire entrer le personnage dans la légende. Le problème d’une telle prestation, c’est qu’elle a tendance à faire oublier les autres personnages et ce malgré un casting soit irréprochable (Billy Chapin et Sally Jane Bruce en orphelins, Lillian Gish en protectrice sévère, Shelley Winters en veuve aveuglée ou encore Peter Graves en père voleur). Sur le plan de la mise en scène, on appréciera le souci du réalisateur de sortir des sentiers battus en conférant à son film une ambiance toute particulière empruntant aussi bien au film d’époque façon "Autant on emporte le vent", au western (avec ses fermes familiales), au film d’épouvante à la Hammer (les assauts de Powell, l’omniprésence de l’obscurité…) voire au conte pour enfant (avec le révérend dans le rôle de l’Ogre). Un parti-pris visuel qui fait de "La nuit du chasseur" une œuvre inclassable mais qui contribue également à dérouter le spectateur, en plus d’un scénario au ton étonnement dur (l’image donnée des adultes, avec un père voleur dont le larcin est à l’origine des malheurs de sa famille, une mère qui se laisse bercer par le numéro du prêcheur ou encore un assassin qui ne craint pas de s’en prendre à d’innocents enfants, est franchement exécrable). Enfin, il faut reconnaître à Charles Laughton un talent certain pour magnifier certaines scènes (la chevauchée en ombre chinoise de Powell, la découverte du corps de la mère immergée…). Ainsi, même si je ne partage pas l’adoration des puristes pour "La nuit du Chasseur", je trouve quand même dommage, au vu de ses incontestables qualités, que son échec commercial ait empêché Laughton de poursuivre sa carrière de réalisateur.