Les Parapluies de Cherbourg est un des classiques de Jacques Demy. Un film frais et coloré bien dans l’esprit du réalisateur, qui ravira les amateurs, mais qui n’a pas la perfection formelle de Peau d’âne par exemple.
En fait, le souci c’est le choix de livrer un film entièrement chanté. Pourquoi pas, mais dans ce cas-là, le mieux est aussi de vraiment offrir un film chanté, pas simplement un métrage où chacun dit ses répliques sur un air musical. Par exemple l’absence de rimes, au moins de temps à autre, le vers libre, et le côté très prosaïque des phrases dites fait qu’il n’y a jamais, comme dans une vraie comédie musicale digne de ce nom, des chansons marquantes, des passages qui restent ancrés dans l’esprit à l’instar de certaines chansons de Peau d’âne. Finalement, par le tout musical, Les Parapluies de Cherbourg, et en dépit d’une bande son soignée s’affaiblit ne mettant jamais en valeur de passages chantés.
L’histoire de son côté est assez basique, un quatuor d’amoureux, mais Demy parvient à transcender son sujet par son rythme, son allégresse, et son partie pris qui n’est pas celui d’une comédie romantique totalement happy. Il y a des sentiments contrastés, et la joie le dispute parfois à une certaine mélancolie, notamment dans le final, lorsque l’on sait le cheminement des personnages. Bref, ça reste léger et drôle, mais ce n’est pas foncièrement naïf, comme l’esthétique du film pourrait le laisser supposer.
Le casting est plaisant. Catherine Deneuve est charmante, et elle fait face à un Nino Castelnuovo dont on peut s’étonner que la carrière n’ait pas été plus fournie. Marc Michel et Ellen Farner achève le quatuor des héros, Michel s’avérant lui aussi très convaincant, Farner restant un peu plus en retrait, mais à la hauteur malgré tout. De bons interprètes investis dans leurs rôles, collant bien à l’ambiance du film, et épaulés par de bons seconds rôles, même si ceux-ci ne sont pas forcément très connus aujourd’hui : Anne Vernon, Mireille Perrey, et même un très discret Jean-Pierre Dorat.
Esthétiquement les amateurs de Demy seront ravis, et je dois dire qu’à son époque, en France, c’était un des rares réalisateurs à chercher à cultiver une vraie recherche onirique et fantaisiste, « enchanté », pour reprendre l’analyse qui est souvent faite de son œuvre. Sans effet visuel dément, il nous plonge dans un Cherbourg de fantaisie très agréable, avec une photographie superbe, des couleurs magnifiques, des décors enchanteurs avec peu (les scènes sous la neige sont très belles), et une mise en scène inventive, légère et dynamique à la fois. Un peu comme pour l’idée de faire un film entièrement chanté, mon petit reproche c’est de ne pas avoir intégré, ne serait-ce que dans le corps narratif, quelques vraies chorégraphies.
Enfin, Les Parapluies de Cherbourg reste un film très frais, qui reflète bien l’intelligence visuelle de Demy, tout du moins sa quête d’originalité indéniable, et sa capacité à offrir des films plus subtils que ce que l’on pourrait penser de prime abord. Un beau moment de cinéma, qui aurait toutefois pu atteindre la perfection en prenant le parti d’offrir de vraies chansons mémorables, et éventuellement quelques vraies chorégraphies dansées. 4