Yaaba est un film africain, cinéma rare, pas très productif et dont les productions arrivent très rarement jusqu’à nous. Ouedraogo signe un joli film, comme souvent dans le cinéma africain très authentique, avec un fort caractère documentaire teinté d’un petit côté mystique. Le résultat est agréable, il manque cependant quelque chose pour en faire un moment réellement marquant.
Les acteurs, qui jouent en fait peu ou prou ce qu’ils sont réellement dans la vie sont justes, et on ne peut pas nier un évident naturel et une présence forte à l’écran. Fatimata Sanga a un physique impressionnant qui donne beaucoup justement de cette substance « mystique » au film, et Noufou Ouedraogo est très juste dans son rôle. Sobriété, naturel, authenticité, voilà les maîtres mots pour caractériser l’interprétation dans ce film, peuplé de personnages réalistes qui forment le cortège des habitants de ce petit village d’Afrique.
Bien emmené par ses acteurs, Yaaba respire l’authenticité aussi dans son cadre. Le décor est très bien choisi, le réalisateur nous le donne à voir sous toutes les coutures dans une mise en scène parfois aux limites du documentaire. Il y a des paysages réellement superbes, une très belle photographie, une musique d’ambiance que j’aurai être plus « actrice » que « spectatrice » des images, mais qui nous plonge aisément en Afrique. C’est vrai que ce film ne fait jamais carton-pâte, et c’est sûrement sa plus grande force, car, au-delà de l’histoire en elle-même, ce métrage pourra facilement séduire celui qui recherche l’Afrique authentique, loin des clichés.
Finalement, ce qui est à la peine dans Yaaba ça reste son histoire. Comme souvent dans le cinéma africain, le réalisateur semble s’être laissé emprisonner par sa volonté de vérité, et nous sert son histoire sur une tonalité documentaire et démonstrative qui n’a rien de très attractif. Il raconte le quotidien d’un jeune garçon qui s’émancipe en quelques sortes suite à sa rencontre avec la mise à l’écart, c’est-à-dire Yaaba, du reste du groupe pour des raisons que l’on découvrira dans le film. Pas mauvaise, ça reste assez convenu pour un long-métrage, surtout que Ouedraogo n’a pas foncièrement le sens du rythme. On suit en effet le quotidien de ce jeune garçon, ses relations aux membres de son village et de cette grand-mère. C’est réaliste mais sans grande vigueur, c’est assez mou, il manque tout de même une vraie trame de fond principale, car finalement cette Yaaba est presque parfois rejetée en arrière-plan et on ne la voit pas pendant longtemps. En fin de compte, Ouedraogo semble avoir voulu partir sur un concept trop démonstratif, casant en 1 heure 30 beaucoup de choses, et ne traitant pas en profondeur chacune d’entre elles.
Cela étant, c’est un film agréable, bien meilleur que Yeelen par exemple en matière de cinéma africain. Il y a des maladresses dans la conduite du récit, c’est sûr, mais l’authenticité du film et la beauté de certains plans, ainsi que la bonne volonté manifeste du réalisateur ne peuvent que convaincre ceux qui, un minimum, sont en mesure de s’intéresser au sujet. 3.5