Numéro zéro (France, 1971) est le dernier film d'Eustache sorti sur grand écran. Projetable depuis 2003, il s'agit d'un documentaire en quasi-plan séquence. Transpirant d'humanité, la grand-mère de Jean Eustache délivre dans une confession longue d'1h50, les faits de sa vie, plein d'affres d'une existence, délivrés a posteriori, l'émotion des évènements amenuisé par l'effet du temps, les horreurs de la vie recadrées dans l'ordre hiérarchique de l'existence. Narrant donc sa lente perte de la vue, sa maladie infantile, la cruauté de sa belle-mère, l'infidélité maladive de son époux, les tourments de la maladie, Odette Robert (ladite grand-mère) se dévoile en toute rectitude, honnête et vérace. Le plus étonnant dans l'histoire de cette femme, qui nous est a priori inconnue et dont l'histoire personnelle a peu de chance de nous intéresser, et qu'elle est digne d'un roman d'Hugo, martyr inextinguible des vicissitudes de la vie. Happé par son discours, monologue interrompu par le clap, un coup de téléphone ou un simple souffle, le spectateur est ébahi devant une vie si chargé. Car la force de ce qui semble être un paupérisme de mise en scène, cest la sève impetueuse de lévocation des images. Par le discours primesautier de Madame Robert, les scènes prénent corps dans limaginaire du public, si bien quon semble assister aux évènements, influencés par la phonation de la grand-mère. Numéro zéro sapparente également à un dispositif péliminaire à La Maman et la putain (France, 1973) avec lhistoire de la grand-mère et de la maîtresse de son époux. La critique compendieuse de Numéro zéro se résume a dire quil sagit dun des films les plus forts dEustache, de par son inégalle puissance de suggéstion et par lhumilité du film, esquissé dans ses autres oeuvres et qui trouve ici son plein essor.