Le rythme languissant, pour ne pas dire lent, fait de ce film un œuvre particulière, qui peut paraître difficile d’accès. Tout, dans ce film, et dans la réalisation de Deray, est axé sur le jeu des acteurs et il faut le voir plusieurs fois pour s’en rendre compte et en saisir toutes les subtilités.
Chaque scène, même celle paraissant la plus insignifiante, apporte quelque chose à l’intrigue et aux rapports entre les personnages. Car nous ne sommes pas face à un polar ou un thriller au sens classique du terme. Nous visionnons plutôt un drame : ce sont les rapports humains qui sont décrits, et uniquement cela.
Le cadre est posé dès la première scène : un homme est au bord d’une piscine et une femme vient déranger sa langueur en sautant dans l’eau et le taquiner. Le soleil, la chaleur, le ciel profondément bleu et les personnages constituent le décor autour de la piscine du titre. Car tout tourne autour d’elle : les intrigues, les affrontements, les corps… Ces corps, justement, qui au début de l’histoire sont beaux et bronzés, écrasés de chaleur, et parfois nus pour devenir au fur et à mesure de la progression dramatique vêtus, frileux, trempés par l’eau chlorée de la nuit. La piscine dont la surface n’est troublée que par les personnages y nageant, sauf après le drame où, plus personne ne s’y baignant, elle ondule sous l’effet du vent et que Jean-Paul parle de faire vider.
Jean-Paul, joué par Alain DELON, est le personnage masculin principal. Il est jeune, beau, capricieux, exigeant, mais terriblement dépressif. Il vit avec Marianne (Romy SCHNEIDER), femme exquise et somptueuse, désirable en diable, d’une grande intelligence. Elle va même se révéler machiavélique à l’égard de son compagnon, pour attiser sa jalousie. Sentiment central à ce film, dont tous les personnages souffrent. Jean-Paul est jaloux d’Harry (Maurice RONET), ami qui débarque à l’improviste et ex-amant potentiel de la belle, car tout lui réussit (sa musique, sa voiture) et qu’il désire Marianne. Marianne est jalouse d’Harry, qui mène une vie de rêve, de Pénélope (Jane BIRKIN) car elle pense qu’elle est désirée par Jean-Paul. Pénélope est jalouse de son père, parce qu’il désire Marianne et ne lui accorde pas assez de temps, et de Marianne parce qu’elle est désirée par Jean-Paul, qui attire son attention. Harry est jaloux de Jean-Paul parce qu’il « possède » Marianne et qu’elle semble totalement acquise à sa cause. La jalousie est donc bien le sentiment qui prédomine dans cette histoire et en voulant jouer avec celle de son amant, Marianne sera à l’origine du drame.
Mais comment Jacques DERAY orchestre-t-il tout cela ? Par je leu de sa mise en scène centrée sur les personnages, une caméra assez mobile pour saisir les regards et le jeu des corps. Car ils se frôlent, s’étreignent et se télescopent, plus qu’ils ne se parlent. Le jeu des acteurs est d’ailleurs particulièrement subtil à cet égard. Les dialogues sont assez rares et les protagonistes n’expriment que très peu leurs sentiments réels. Tout est donc dit par les regards et le positionnement des corps. L’attitude de Jean-Paul, au début du film est caractéristique avant et après l’arrivée d’Harry et sa fille. La façon dont il se comporte vis-à-vis de Pénélope est aussi précieuse. Plus Marianne joue avec son ex-amant, plus Jean-Paul va se rapprocher de la jeune femme, qui l’intéresse assez peu en réalité, mais il cherche à se venger d’une attitude de plus en plus ambigüe de la part de Marianne.
Enfin, celui qui vient pondérer l’histoire est particulièrement important : l’inspecteur Lévêque sait très bien ce qui s’est passé, mais n’a pas de preuve. Il tente de pousser Marianne à témoigner pour boucler son enquête, en faisant appel à son intelligence. Il lui suggère des éléments illogiques et instille le doute dans son esprit. Celle-ci comprend immédiatement où il veut en venir et qu’il a raison. Alors, elle va chercher les preuves, les aveux et les obtenir. Mais elle restera loyale face à l’inspecteur et ne dénoncera personne.
La dernière séquence est révélatrice de l’intelligence d’écriture : la boucle est bouclée et une fois que tous les éléments rapportés ont quitté la maison, et les abords de la piscine, Jean-Paul et Marianne se retrouvent ensemble, alors qu’ils se sont quittés, dans la même attitude qu’au début du film, le soleil, la gaité et la légèreté en moins. Le drame qui s’est déroulé dans la piscine a modifié leur couple et leur vie, et ils restent ensemble dans la douleur et la gravité.