Apogée de la collaboration entre l'acteur James Stewart et le réalisateur Anthony Mann, L'homme de la plaine ("L'homme de Laramie" dans la version originale, c'est plus joli) est un western unique, âpre et sombre - ce qui n'empêche pas le technicolor et un magnifique usage du cinémascope. Stewart y interprète un homme errant, ancien militaire parti venger son frère mort par les mains des Apaches. Mais tout l'interêt de ce western "pas si classique" est que Lockhart, le héros, n'entretient aucun ressentiment pour les Indiens, mais bien pour les hommes d'affaire blancs qui leur ont vendu des armes. L'autre interêt majeur est d'y voir Stewart, plus que jamais l'incarnation de la Justice avec un grand J, pourtant usé, essoufflé et dans le doute. C'est en quelque sorte un homme qui aime la paix et la sérennité, forcé, par le monde de brutes qui l'entoure, à utiliser la violence. Personnage dense, ambigüe et mystérieux, Lockhart n'en n'est finalement qu'un parmis d'autres, à savoir : un propriétaire terrien tyran, qui, en devenant aveugle physiquement, retrouve la vue quant à ceux qui l'entourent ; un fils adoptif et un fils de sang qui se partagent les faveurs du baron ; et une vieille femme encore amoureuse de ce même vieillard devenu maître de la ville, qu'elle combat pourtant. Ajoutez à cela émotions contenues, suspense et romance, ainsi qu'une mise en scène parfaite à la croisée entre le classicisme de Ford et la violence à venir des années 60, vous obtiendrez L'homme de la plaine, un western mythique.